Entrepreneurs individuels au régime réel cherchent cotisations sociales en temps réel

Entrepreneurs individuels au régime réel cherchent cotisations sociales en temps réel

18.09.2017

Gestion d'entreprise

Les exploitants individuels au régime réel rencontrent des difficultés pour gérer le paiement de leurs cotisations sociales personnelles. Le gouvernement, le RSI, l'institut de la protection sociale ou encore le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables ont conscience du problème. Voici les deux solutions envisageables.

Le paiement des cotisations sociales personnelles de l’exploitant individuel peut être compliqué. L’explication peut paraître paradoxale d'un point de vue sémantique : quand il est au régime réel, cet entrepreneur peut se voir demander de verser des sommes quelque peu déconnectées de sa réalité du moment — une difficulté que ne rencontrent pas les auto-entrepreneurs car ils auto-liquident leurs cotisations sociales justement en temps réel en fonction du chiffre d’affaires qu’ils viennent de réaliser. Qu'est-ce qui explique cette situation ? Premièrement, l’assiette de calcul des cotisations de l’exploitant individuel au régime classique repose sur un bénéfice ancien de son entreprise (le résultat N – 2 puis, lorsqu'il est déclaré, celui N – 1), lequel peut être éloigné des sommes qu’il vient juste de se verser. Or, les revenus des travailleurs non salariés (TNS), dont font partie les entrepreneurs individuels, sont très fluctuants. "Seuls 5 % des cotisants au RSI ont des revenus relativement stables, c’est-à-dire oscillant entre – 1 % et + 1% d’une année sur l’autre, et 2/3 voient leur revenu varier de plus de 10 %", argumentait en 2013 PDF iconun rapport de Laurent Grandguillaume, à l’époque député de la Côte d’Or. Deuxièmement, ces travailleurs non salariés (TNS) sont tributaires de l’appel de cotisations du RSI. Et l’on sait que cet appel a pu donner lieu à des montants délirants même si la situation s’est plutôt améliorée.

Question d'assiette

Ce sujet est bien connu des professionnels qui accompagnent les TPE. La solution envisageable passe par un changement de l'assiette de calcul des cotisations sociales, soit provisionnelles soit réelles. Deux approches sont avancées. La première consiste à retenir comme assiette de cotisations sociales non plus les bénéfices mais les prélèvements réalisés par l'exploitant individuel. Simple, ce système permettrait d'aboutir à une sorte d'auto-liquidation en temps réel même si des ajustements seraient peut-être nécessaires l'année suivant celle des versements. Cela aurait un autre mérite : rapprocher ces TNS des salariés sur le plan des modalités de paiement et de l'assiette des cotisations sociales personnelles. C'est cette approche qui est le plus souvent avancée : en 2011, par le PDF iconConseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC) ; en 2013, par le député PDF iconLaurent Grandguillaume ; en janvier 2017, par PDF iconl’institut de la protection sociale (IPS), un club de réflexion proche des experts-comptables — l'IPS aborde aussi le cas des gérants majoritaires ; en février 2017, par PDF iconle RSI (régime social des indépendants), alors qu’il se sentait déjà menacé de disparition par des candidats à l’élection présidentielle.

Quel impact sur les recettes publiques ?

Cette approche pose toutefois plusieurs questions. Elle pourrait aboutir à des cotisations sociales plus faibles qu'aujourd'hui car l'assiette pourrait être réduite, les prélèvements de l'exploitant individuel pouvant être inférieurs au bénéfice retenu pour le calcul des cotisations sociales — les prélèvements peuvent aussi être supérieurs au bénéfice. Autre question : cela conduirait à différencier davantage l'assiette de calcul des cotisations sociales personnelles de l'exploitant — les prélèvements qu'il s'est versés — de celle de l'IR tirée de son activité professionnelle — le bénéfice fiscal de son entreprise. Pour régler cela, ou en tous cas limiter les distorsions d'assiette, il serait possible de distinguer l'imposition des prélèvements personnels de l'exploitant, lesquels seraient assujettis à l'IR, des bénéfices non prélevés, lesquels seraient soumis à un nouvel impôt par exemple appelé impôt sur les entreprises (IE). Et cela créerait l'opportunité d'harmoniser le taux d'IS avec le taux d'IE et donc d'éviter, sur ce plan, des effets d'optimisation fiscale.

Un système d'acomptes calculé sur un bénéfice forfaitaire ?

Une deuxième approche est théoriquement possible. Il s'agit d'asseoir les cotisations sociales (provisionnelles) sur le chiffre d'affaires diminué d'un abattement forfaitaire puis de régulariser l'année suivante une fois connue l'assiette réelle. Cela s'apparente davantage à un système d'acomptes en temps réel que d'une auto-liquidation en temps réel. On peut se demander si cette approche n'est pas celle envisagée par PDF iconEdouard Philippe. Au début du mois, il a proposé "de développer un système intelligent, permettant aux travailleurs indépendants qui le souhaitent d'ajuster au mois le mois — ou au trimestre pour ceux qui le préfèrent — le niveau de leurs acomptes de cotisation en fonction de leur activité : payer davantage de cotisations les mois de forte activité ; payer moins dans les périodes creuses, l'ensemble donnant lieu à une régularisation annuelle une fois leur compte définitif établi". Toutefois, la porte de l'approche de l'auto-liquidation en temps réel ne semble pas fermée par le gouvernement qui propose "que ce dispositif soit coconstruit avec des travailleurs indépendants". Une expérimentation est prévue pour 2018 avec une généralisation possible en 2019.

Ces deux approches ont pour point commun de donner potentiellement la main à ces travailleurs indépendants pour calculer leurs cotisations, ne serait-ce que provisionnelles. Ce qui revient à dire que le RSI, qui va bientôt être adossé au régime général de la sécurité sociale, perdrait cette prérogative. Cela pose plusieurs questions ? Premièrement, est-ce souhaitable pour les personnels du RSI ? Deuxièmement, les TPE concernées gagneraient certes dans le pilotage de leur trésorerie mais devraient absorber une charge de travail supplémentaire, celle du calcul et de la déclaration des cotisations ? Il est très probable que cette prestation revienne à leur expert-comptable. Question : à quelles conditions ?

Ludovic Arbelet

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