Copropriété : bientôt une simplification de la loi de 1965 ?

05.10.2017

Immobilier

Un projet de réforme de la loi du 10 juillet 1965 élaboré par un groupe de professionnels (le GRECCO) a été remis à la Chancellerie puis au ministère de la cohésion des territoires. Il devrait servir de base à une prochaine réforme en profondeur du statut de la copropriété.

Pour occuper le terrain laissé libre par la Commission relative à la copropriété, supprimée en 2014, (D. n° 2004-132, 17 févr. 2014, art. 22 : JO, 18 févr.) et dont le travail était unanimement salué, des professionnels d’horizons divers (avocats, expert, géomètre, notaire, enseignant, syndic…) ont créé un groupe de recherche en copropriété (GRECCO).
Ce groupe, sous la présidence du Professeur Périnet Marquet, s’est donné un objet similaire à celui qu’avait feue la Commission : étudier et réfléchir sur les textes existants, la jurisprudence, les projets et propositions et en formuler lui-même. Engagé dans son mouvement de réflexion présenté au cours du congrès de la chambre des experts en copropriété (CNEC) de décembre 2016, le GRECCO a été sollicité par le ministère de la Justice et lui a donc remis ses travaux en juin puis juillet de cette année. Le projet a ensuite été transmis au ministère de la cohésion des territoires par l’UNIS (Union des syndicats de l’immobilier).
La piste de réflexion soumise au gouvernement n’est pas unique car le PUCA (Plan urbanisme construction architecture) a lancé, en août 2016, un appel d’offre pour la réalisation d’une étude destinée à trouver des moyens de faciliter la réalisation de travaux d’amélioration des parties communes dans le cadre de la transition énergétique.
L’heure d’une réforme en profondeur de la loi de 1965 semble avoir sonné puisque le projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification, dit projet Darmanin, qui devrait être prochainement présenté en Conseil des ministres, contient une habilitation du gouvernement à réformer le statut de la copropriété par ordonnance. L’article 30 de ce texte prévoit, en effet, une amélioration ayant pour but :
- de lever les blocages qui entravent la réalisation de travaux, notamment en modifiant les compétences et le statut du conseil syndical pour le doter d’un véritable pouvoir décisionnel ;
- d’instituer des régimes de gouvernance différenciés en fonction des types de copropriété ;
- de rendre la loi plus simple, plus claire, plus accessible, garante de la sécurité juridique et de la limitation du contentieux.
Il est probable que les travaux du GRECCO et du groupe créé par le biais du PUCA serviront de base d’élaboration de la future ordonnance.
De son côté, l’UNARC (union nationale des associations de responsables de copropriété) appelle à la consultation des représentants des syndicats des copropriétaires dont rien ne dit qu’elle n’aura pas lieu.
Nous présentons ci-dessous les grandes lignes des propositions du GRECCO. Compte tenu du peu de temps qui lui était imparti, le groupe a laissé de côté certains points sur lesquels il espère se pencher ultérieurement comme, par exemple, le cas des petites copropriétés jusqu’à celles composée de deux personnes. Pour les mêmes raisons, les dispositions considérées comme relevant d’autres « corpus législatifs », tel que le CCH, ont également été écartées (immatriculation du syndicat, fiche synthétique, superficie des lots dans le cadre des cessions, etc.).
Le travail effectué rappelle fortement celui qui l’a été à l’occasion de la réforme du droit des obligations contenu dans l’ordonnance du 10 février 2016. Il s’est agit de débarrasser la loi de 1965 de ses scories afin de la rendre plus intelligible, d’y intégrer des solutions jurisprudentielles et de la moderniser à la fois pour apporter une nécessaire souplesse en fonction des différents immeubles soumis au statut et anticiper les obligations croissantes engendrées par la transition énergétique.
Application du statut de la copropriété
La définition du champ d’application de la loi du 10 juillet 1965 est revue, notamment pour tenir compte de la réalité des immeubles en construction. Il est fait référence aux immeubles bâtis ou à bâtir. Le texte indique ensuite la date d’entrée en vigueur du statut : « en cas de mise en copropriété d’un immeuble bâti existant, l’ensemble du statut s’applique à compter du premier transfert de propriété d’un lot. Pour les immeubles à construire, le fonctionnement de la copropriété découlant de la personnalité morale du syndicat prend effet lors de la livraison du premier lot ».
Le projet consacre la notion de lot transitoire reconnue par la jurisprudence. Il est « formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser, et d’une quote-part de parties communes correspondantes ».
Copropriété à conseil d’administration
L’une des innovations majeure du projet est la création d’un nouveau régime d’administration des copropriétés avec un conseil d’administration disposant de pouvoirs propres.
Mis à part le cas des syndicats coopératifs, trois régimes seront susceptibles de s’appliquer en fonction de la composition de la copropriété :
- le régime classique avec syndic, assemblée et conseil syndical, sauf à exclure la création de ce dernier ;
- le régime à syndic, conseil d’administration, sans conseil syndical puisque celui-ci change, en quelque sorte, de nature et avec assemblée aux pouvoirs plus ou moins restreints ;
- le régime « à la carte » pour les syndicats composés exclusivement de personnes morales, comme cela est permis aujourd’hui par l’article 18-1 AA.
L’application des différentes règles dépend de la composition de la copropriété et du choix des copropriétaires qui, dans certains cas, peuvent décider en assemblée d’opter pour un autre régime que celui dont ils relèvent en principe (v. le tableau ci-dessous).
Les seuils de lots mentionnés dans le tableau ci-dessous s’entendent de l’ensemble des lots du syndicat, qu’ils soient à usage principal ou accessoire. La possibilité de basculement d’un lot, tel que par exemple une chambre de bonne, d’une catégorie à l’autre a convaincu les membres de groupe de la nécessité d’écarter toute exclusion de lots.
  Conseil syndical Conseil d'administration
Copropriété à usage exclusif de bureau ou de commerce (sans aucun lot à usage d'habitation) jusqu'à 19 lots oui sur décision de l'assemblée à la majorité absolue Oui
Copropriété à usage exclusif de bureau ou de commerce (sans aucun lot à usage d'habitation) à partir de 20 lots Non Oui
Copropriété tous usages confondus (habitation, bureau, commerce) à partir de 51 lots Oui Oui sur décision de l'assemblée à la majorité absolue
Copropriété tous usages confondus (habitation, bureau, commerce) jusqu'à 99 lots oui, avec possibilité de ne pas instituer de conseil syndical Non
Copropriété tous usages confondus (habitation, bureau, commerce) à partir de 100 lots Non Oui

Les personnes pouvant être membres du conseil d’administration (CA) sont les mêmes que celles pouvant être élues au conseil syndical. Les mandats sont de 3 ans renouvelables et la révocation collective. Le CA statue à la majorité absolue de ses membres. A l’exception de l’approbation des comptes, qui relève de la compétence exclusive de l’assemblée générale, le CA décide seul pour les questions qui relèvent de la majorité simple. A la majorité absolue, l’assemblée peut également lui confier le soin de prendre les décisions relevant de cette même majorité.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

Découvrir tous les contenus liés

Le CA dispose également des pouvoirs du conseil syndical (avis, contrôle de la gestion du syndic et de l’administration de la copropriété…).

Charges et fonds de travaux

Dans un but de simplification, le projet du GRECCO prévoit que les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes sont réparties entre les copropriétaires proportionnellement aux quotes-parts de parties communes afférentes à leur lot. La distinction entre tantièmes de charges et tantièmes de parties communes et les confusions qu’elle génère est donc abandonnée.

La méthode de calcul des tantièmes de parties communes devient impérative. En contrepartie, la révision des quotes-parts est facilitée. L’ancienne révision lorsque la répartition était lésionnaire est notamment reprise sans être enfermée dans aucun délai. La condition relative à la disproportion devant exister entre les charges réclamées et la part qui devrait normalement incomber au copropriétaire est de 15 % et non plus du quart (25 %).

Le projet énonce que l’existence de parties communes spéciales est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété ou l’EDD et qu’il ne peut y avoir de parties communes spéciales en l’absence de charges spéciales et réciproquement. Cette affirmation permettra de juguler une certaine jurisprudence qui reconnaît l’existence de charges spéciales alors même que le règlement de copropriété n’a pas créé de parties communes spéciales (Cass. 3e civ., 1er févr. 2006, n° 05-10.398 ; Cass. 3e civ., 22 sept. 2009, n° 08-18.637) ou qui en a créé mais n’a pas prévu le sort des charges qui les concernent (Cass. 3e civ., 8 juin 2011, n° 10-15.551, n° 697 P + B).

Le fonds de travaux ne donnera plus lieu à l’ouverture d’un compte bancaire spécifique. Il est par ailleurs précisé que l’affectation du fonds à la réalisation de travaux doit tenir compte de l’existence de parties communes spéciales ou des clés de répartition. A l’heure actuelle, en pratique, de nombreuses questions sur la mise en œuvre du dispositif et notamment sur le passage des écritures comptables demeurent en suspens.

Vers un patrimoine d’affectation du syndicat

Plusieurs dispositions du projet du GRECCO vont dans le sens d’une reconnaissance d’un patrimoine d’affectation du syndicat des copropriétaires. Ce patrimoine serait affecté à l’entretien du bâtiment et à sa rénovation énergétique, dont on sait qu’elle prend une part de plus en plus grande dans le budget des copropriétés.

Ainsi, lorsque le syndicat est propriétaire de lots, ceux-ci entrent-ils dans son patrimoine. S’ils sont cédés, il est expressément prévu que le prix n’est pas réparti entre les copropriétaires mais entre dans le patrimoine du syndicat et est affecté prioritairement au fonds de travaux.

Par ailleurs, le texte indique également que « les sommes versées au titre du fonds de travaux entrent, dès leur versement, définitivement dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires ».

Alexandra Fontin, Dictionnaire permanent Gestion immobilière
Vous aimerez aussi

Nos engagements