Droit de préférence légal du preneur : exclusion des honoraires de négociation

10.07.2018

Gestion d'entreprise

L'offre de vente notifiée au preneur par le bailleur, qui envisage de vendre son local commercial, ne peut inclure des honoraires de négociation d'un agent immobilier.

Un bailleur met en vente un local commercial. Par l’intermédiaire d’un agent immobilier auquel il avait donné mandat, un candidat lui fait part d’une offre d’acquisition. Afin de purger le droit de préférence légal du preneur, conféré par l’article L. 145-46-1 du code de commerce, le bailleur lui notifie les conditions de la vente, à savoir un prix et les honoraires de l’agent immobilier. Le preneur accepte l’offre, à l’exception des honoraires.

Le bailleur assigne le preneur, l’agent immobilier et le candidat évincé pour que ce dernier soit autorisé à acquérir le local. La cour d’appel condamne le bailleur à régulariser l’acte de vente avec le preneur sans les honoraires de l’agent immobilier en jugeant qu’ils ne pouvaient pas lui être imposés.

Devant la haute juridiction, le candidat évincé soutient que la cour d’appel devait prescrire la mise en cause de l’agent immobilier, sauf à violer les articles 14 du CPC et 6 § 1 de la CEDH. Ce premier moyen est rejeté, le litige portant sur l’exercice du droit de préférence visé à l’article L. 145-46-1 du code de commerce.

Il soutient, en outre, que le preneur, en exerçant son droit de préférence se substitue au candidat évincé dans toutes ses obligations, y compris celle de payer les honoraires de l’agent immobilier et que le preneur, en contestant les honoraires, n’a pas purement et simplement accepté l’offre en violation de l’article L. 145-46-1 du code de commerce.

Ce deuxième moyen est également rejeté, la haute juridiction considérant que l’offre de vente notifiée au preneur par le bailleur qui vend son local "ne peut inclure des honoraires de négociation" tout en précisant que l’alinéa 1 de l’article L. 145-46-1 du code de commerce est une disposition d’ordre public.

Elle confirme dans ces conditions la décision de la cour d’appel qui, après avoir relevé que le preneur avait accepté d’acquérir au prix sans les honoraires, en a déduit que la vente était parfaite.

Remarque : la Cour de cassation précise les conditions d’exercice du droit de préférence (qui n’est pas un droit de préemption, le locataire ne pouvant pas discuter le prix et les conditions de l’offre) créé par Loi Pinel du 18 juin 2014. Sont donc à exclure de l’offre de vente les honoraires de négociation. Elle avait d’ores et déjà statué ainsi en matière de bail d’habitation : "Le locataire, titulaire d'un droit de préemption, qui accepte l'offre de vente du bien qu'il habite ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien" (Cass. 3e civ., 8 oct. 2015, n° 14-20.666). Alors que l’article L. 145-15 du code de commerce, qui détermine les règles d’ordre public du statut, ne vise pas l’article L. 145-46-1 du même code, la Cour de cassation semble qualifier celui-ci dans son ensemble de "disposition d’ordre public". Les bailleurs, qui envisagent de vendre les locaux loués, seraient donc systématiquement tenus de purger le droit de préférence et les rédacteurs de baux ne pourraient plus y déroger. A moins que, dans l’esprit de la Cour de cassation, la "disposition d’ordre public" ne soit que la mention de l’alinéa 1 de l’article L. 145-46-1 du code de commerce selon laquelle la "notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisag��e", qui n’inclut pas les honoraires de négociation.
Stéphane Ingold, Avocat à la Cour, associé (www.Gouache.fr)

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