Elimination progressive des produits phytosanitaires : l'objectif 2025 pourra-t-il être tenu ?

13.02.2018

Environnement

Une mission interinspections s'est penchée sur le sujet afin notamment de proposer des mesures pour renforcer la protection des populations et rappeler l'existence d'alternatives pour diminuer l'usage d'un certain nombre de produits en agriculture, sans nécessairement dégrader la rentabilité des exploitations.

Une mission interinspections a étudié l'impact des produits phytopharmaceutiques, leur utilisation ainsi que les alternatives en se centrant sur leurs usages agricoles (herbicides, fongicides ou insecticides).

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Précision : les organismes co-rapporteurs sont le CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable), l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et le CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux).

La mission recommande, dans un rapport mis en ligne le 19 janvier 2018, que la France, d'une part, propose une évolution de la réglementation européenne plus protectrice des populations et, d'autre part, élabore un cadre d'action relatif aux substances identifiées comme les plus préoccupantes.

Établissement d'un diagnostic au chevet du plan Ecophyto 2

La mission constate que les mesures prises dans le cadre du plan Ecophyto 2 "ne sont pas suffisamment dimensionnées pour permettre de réduire significativement la dépendance aux pesticides de la production agricole, qui se heurte à d’importants freins économiques". "Les moyens d’Ecophyto (71 M€) et les modes de pilotage adoptés (absence d’objectifs ciblés par filière, ou d’étape, absence de pilotage) sont sans commune mesure avec l’enjeu et ne permettront pas en l’état d’impulser une dynamique suffisante pour assurer une transition réelle vers des systèmes alternatifs".

 

Le rapport souligne les points essentiels suivants : 

- le passage de 3.000 fermes Dephy à 30.000 fermes impliquées en agroécologie, au sein de "groupes 30 000", n’est pas nécessairement acquis si des mesures plus incitatives ne sont pas développées. "Même au sein des fermes Dephy, si les résultats montrent que des baisses d’utilisation de produits phytopharmaceutiques sont possibles sans dégradation systématique des marges, les réductions atteintes restent de l’ordre de 20/30 %, alors même que par nature le dispositif attire des pionniers" ;

- les objectifs fixés aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques par les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) d’ici 2021 "risquent de ne pas être atteints au regard du faible nombre de fiches aujourd’hui avalisées (31) et de l’absence, dans ces fiches, de réelles perspectives d’évolution systémique de l’exploitation" ;

- "l’émergence d’alternatives moins consommatrices de produits phytopharmaceutiques commence à être acquise techniquement mais n’est pas envisagée dans une structuration économique des filières et notamment de leur aval : mis à part l’agriculture biologique, la spécificité des produits sans pesticides n’est pas identifiée par les consommateurs ni valorisée dans les prix" ;

- "les aides à l’exploitation et à l’investissement ne sont pas suffisamment majorées pour inciter les exploitants à prendre le risque d’un changement de nature de cultures" ;

- "l’impulsion administrative et la synergie interministérielle qui devraient accompagner la mise en place de l’ensemble des axes du plan Ecophyto 2 ne semblent pas acquises" ;

- "le financement de la recherche sur cette thématique, et la coordination de l’ensemble des acteurs y concourant, sont insuffisants pour obtenir des résultats suffisamment rapides tant en matière d’impact sur la santé que de développement de modes alternatifs de production".

La mission propose notamment de confirmer les objectifs d’Ecophyto en renforçant certaines actions mais aussi de revoir son cadre de gouvernance "afin d’assurer un pilotage réel ainsi qu’une conduite interministérielle qui pourrait prendre la forme d’un délégué interministériel".
 

Activation d'autres leviers pour réduire de façon pérenne la dépendance aux produits phytopharmaceutiques

Les rapporteurs rappellent que des outils existent pour diminuer rapidement l’usage d’un certain nombre de produits phytopharmaceutiques en agriculture :

- des alternatives peuvent être mises en oeuvre : rotation des cultures, constitution de débouchés pour les nouvelles productions, agriculture de précision, utilisation de matériels,... ;

- les références acquises au sein du réseau Dephy montrent que les baisses de l’utilisation n’entraînent pas forcément de baisse de rendement ni de baisse de marge.

Remarque : en outre, selon certains travaux, l’équilibre global de la balance commerciale agricole pourrait être maintenu, la baisse de volumes de certaines exportations (céréales) pouvant être compensées par la réduction d’importation d’autres productions (protéagineux par exemple).

Pour la mission, l’objectif fixé au sein du plan Ecophyto 2 (- 50 % d’utilisation en 2025) "ne pourra être obtenu que par l’affirmation au plus haut niveau de l’Etat d’une détermination du gouvernement dans son ensemble à mener ce plan à terme et d’utiliser pleinement les leviers existants pour le faire".

 

Les leviers ainsi identifiés sont les suivants :

- "mobiliser dès maintenant les financements publics (Plan d’investissement et de transformation de l’agriculture de 5 milliards d'euros ; financements de la Politique agricole commune) au service de la transition vers un usage économe des produits phytopharmaceutiques" ;

- "soutenir et développer la filière de l’agriculture biologique en tant que système alternatif contribuant à la réduction d’utilisation desdits produits, au travers d’un objectif de doublement de la production d’ici 2025 (passage de 7 % à 15 %)" ;

- "lever les freins économiques à la valorisation des productions économes en produits phytopharmaceutiques, au travers du développement d’un label agroécologie (autour du label existant Haute Valeur Environnementale), de l’engagement d’une concertation avec l’aval et l’amont pour identifier les filières insuffisamment développées, et de la conduite d’une étude sur la faisabilité et l’opportunité de la mise en place d’une assurance risques".
 

Martine Tudez, Code permanent Environnement et nuisances

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