Fiscalité écologique : le chantier permanent

Fiscalité écologique : le chantier permanent

03.10.2018

Environnement

Traditionnel feuilleton de l’automne, le projet de loi de finances va une fois de plus tenter de verdir certains dispositifs fiscaux. Le cru 2019 ne devrait pas être beaucoup plus cohérent que les précédents. Espérée par tous – à commencer par les entreprises qui ont besoin de visibilit�� pour faire des choix d’investissement –, la remise à plat des outils existants s’avère complexe. Le sujet était en débat à l’Assemblée nationale fin septembre.

La fiscalité écologique a "été construite au coup par coup, mais sans réellement s’intégrer dans une vision globale et stratégique", constate la députée Barbara Pompili (LREM, Somme). Mercredi 26 septembre 2018, la commission du développement durable (dont elle est présidente) et celle des finances ont organisé conjointement une table ronde sur le sujet à l’Assemblée nationale. Et une chose est sûre : personne ne semble prêt à se satisfaire de la situation héritée d’années de bricolage.

"Les travaux de l’OCDE, mais aussi le rapport de Stiglitz-Stern constatent que nulle part la tarification des nuisances environnementales n’avance assez vite", souligne Dominique Bureau, président du Comité pour l’économie verte et co-auteur d’un rapport sur l’avenir de la fiscalité écologique (1). La crise climatique prouve en particulier la nécessité de découpler au plus vite croissance et émissions polluantes. "La démonstration suédoise montre que l’on peut organiser le basculement tout en réduisant les prélèvements obligatoires", rassure-t-il.

Les HFC oubliés

Présenté le 24 septembre, le PLF (projet de loi de finances) 2019 entérine quelques grandes directions d’ores et déjà connues comme la montée en puissance du prix du carbone. Il envisage aussi de supprimer des niches fiscales comme celle dont bénéficie le gazole non routier.

 

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Pourtant, "il reste des trous énormes dans la raquette, soupire Kévin Puisieux, responsable des questions économiques à la FNH (fondation pour la nature et l’homme). Près de 40 % des émissions de CO2 ne sont pas couvertes par une taxation carbone".

Le plan climat présenté il y a un an prévoyait ainsi l’extension des outils fiscaux existants aux HFC, ces gaz que l’on trouve entre autre dans les réfrigérateurs et les climatiseurs. Elle n’est finalement pas dans le PLF 2019. "Leur consommation augmente de 10 à 15 % par an alors leur impact est au moins deux à trois mille fois plus important que celui du CO2", rappelle pourtant Kévin Puisieux.

 

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Besoin de prévisibilité

Même chez les industriels qui vendent ou utilisent des HFC, peut-on vraiment se réjouir de décisions qui tardent à arriver ? Pas sûr car la fiscalité est là pour montrer une direction, si possible sur plusieurs années. "L’enjeu est de réintroduire les coûts sociaux dans les arbitrages privés, résume Dominique Bureau. C’est parce que les émissions du charbon n’étaient pas assez tarifées au niveau européen que certaines centrales à gaz pourtant les plus modernes ont été mises sous cloche au début de la décennie".

Ceux qui veulent accélérer devront toutefois déconstruire les discours sur l’écologie punitive et vaincre le sentiment de ras le bol fiscal omniprésent chez les ménages comme dans les entreprises. "La question de l’utilisation des ressources dégagées est essentielle, souligne Barbara Pompili. La logique pollueur-payeur impliquerait qu’elles soient affectées à un objectif environnemental, ce qui n’est toujours pas le cas"…

Une réflexion qui va faire l’objet de discussions durant les débats sur le PLF, mais qui s’est toujours heurtée jusqu’alors à l’intransigeance de Bercy, préférant la logique contributive à l’incitation et peu enclin à affecter les ressources.

Effets pervers

Pour  Guillaume Sainteny, membre du conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, l’autre réflexe doit être de "verdir les taxes existantes plutôt que d’en créer d’autres". Attention enfin aux effets pervers des réformes et qui ont par exemple conduit en 2017 à détaxer le patrimoine polluant, comme les avions privés ou les yachts à moteur.

A contrario, les forêts et les zones humides que l’on considère comme des espaces improductifs sont plutôt mal traités. "On a une fiscalité accrue sur les puits de carbone, sur les écosystèmes naturels qui sont taxés au double des actions des sociétés pétrolières", évalue Guillaume Sainteny, regrettant en particulier la médiocrité des études d’impacts associées à certaines mesures législatives et la remarque qui y est récurrente : "cet article n’a pas d’impact sur l’environnement".

Un dernier exemple ? C'est Lorelei Limousin, spécialiste des transports au Réseau action climatique qui le donne : "La prime à la conversion bénéficie à des véhicules qui roulent aux énergies fossiles et qui à l’état neuf font l’objet d’un malus".

 

(1) Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ?

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Olivier Descamps

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