"Il faut réintégrer les représentants du personnel dans les démarches participatives"

"Il faut réintégrer les représentants du personnel dans les démarches participatives"

19.02.2018

Gestion du personnel

Comment mettre en place des démarches participatives efficaces au sein des entreprises ? Faut-il impérativement y associer les représentants du personnel ? C'est à ces questions que répondent Clément Ruffier et Amandine Brugière de l'Anact, dans le prolongement du livre numérique que vient de publier l'Anact sur les mutations du travail. Interview.

L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) vient de publier, en collaboration avec la Cité du design, un livre numérique sur le travail : "Recto-verso, les mutations du travail : controverses et perspectives". Son objectif : permettre aux acteurs de mieux comprendre et agir sur les transformations du travail à leur échelle. Parmi les sujets que l'ouvrage multimédia aborde : les démarches participatives au sein des entreprises qui vont de pair, insistent Clément Ruffier, chargé de mission au sein de l'Anact, et Amandine Brugière, en charge du département Etudes et prospective au sein de l'Anact, avec la participation indirecte des salariés via leurs représentants du personnel et le dialogue social.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le sujet de la participation des salariés revient sur le devant de la scène avec le projet de loi PACTE porté par Bruno Le Maire. Comment l'analysez-vous ? 

Clément Ruffier : Depuis la fin des années 2000, on assiste à un renouveau des questions de participation qui croisent deux attentes. La première, celle des entreprises qui veulent plus d'agilité, de flexibilité et d'innovation. La seconde, celle des salariés qui réclament plus d'autonomie et de sens au travail. Cette convergence a remis le sujet sur le devant de la scène. Il y a un constat partagé de l'épuisement des modèles traditionnels et de la difficulté à établir des modèles alternatifs, auxquels il faut ajouter l'importance de l'innovation, des cycles plus courts et la digitalisation.

Amandine Bruguière : Les années 2000 correspondent aussi à la démocratisation très forte des outils numériques avec des promesses aussi fortes d'empowerment. Il en était attendu un meilleur fonctionnement de la société et des entreprises et que soient portées une autonomie et des relations sociales plus horizontales.

La question de la participation en entreprise c'est aussi la mise sur pied de démarches participatives mais vous constatez sur le terrain des déceptions de part et d'autre...

Clément Ruffier : La question de la participation n'étant pas nouvelle, cela influence le regard des salariés sur ces démarches. Il y a aujourd'hui plus de défiance par rapport à ce qu'ils ont connu. Pourtant, ces démarches participatives présentent l'avantage de rapprocher les espaces de décision des espaces d'exécution. Ils peuvent être l’occasion de faire saisir les réalités du terrain aux décideurs .

Comment expliquez-vous la défiance des salariés ?

Clément Ruffier : La frustration des salariés est liée en France au fait que les projets de participation sont généralement portés unilatéralement par les directions. En effet, les organisations syndicales estiment souvent qu'ils n'apportent pas suffisamment de garanties. La partie patronale peut par ailleurs considérer que l'organisation de travail relève de son champ propre et non du domaine paritaire. Ensuite, ces espaces de participation sont souvent limités dans le temps - on les ouvre et on les referme - et limités quant aux sujets abordés. Enfin, on observe parfois une tendance à utiliser ces espaces de participation à des fins de rationalisation du travail, de gains de productivité, et in fine d’intensification.  Les salariés vivent ainsi parfois ces espaces de participation comme des lieux risqués.

Comment les rendre plus efficaces et restaurer la confiance des salariés ?

Clément Ruffier : Il faut des règles du jeu claires. Réintégrer les représentants du personnel dans le processus permettrait de donner des gages aux salariés et les assurer que ces échanges ne se traduiront pas par des effets négatifs sur leurs conditions de travail. La relation avec les institutions représentatives du personnel est donc cruciale. Il est vrai que les IRP sont parfois elles-mêmes méfiantes car elles peuvent estimer qu'il n'existe pas de garanties à l'égard des salariés qui s'y engagent.

Nous avons constaté sur le terrain – et cela est confirmé par les enquêtes européennes sur la question - que les entreprises les plus participatives étaient celles qui avaient les meilleurs résultats en termes de conditions de travail et de performance. Toutefois, on constate l’existence d’un présupposé qui voudrait que les démarches participatives et la participation indirecte via les élus du personnel soient opposées. Ces deux démarches seraient dans des logiques différentes, divergentes voire opposées. La participation indirecte constituerait une méthode dépassée faite de rapports de forces stériles alors que la participation directe serait une démarche constructive. En somme, l'une remplacerait l'autre alors qu'il est au contraire dangereux d'opposer les deux.

L'idéal est donc d'associer participation directe et indirecte ?

Clément Ruffier : L’enquête européenne ECS de 2013, reprises dans un rapport d'Eurofound, montre que contrairement à ce présupposé, les pratiques de participation ont tendance à se rejoindre. Dans les entreprises, un haut niveau de participation directe va généralement de pair avec un haut niveau de participation indirecte. Les entreprises qui combinent les deux modes sont les mieux notées en matière de qualité de vie au travail.

Les retours d'expérience tendent par ailleurs à prouver que ces deux modes peuvent être largement complémentaires. Pour illustrer cette nécessaire complémentarité, une entreprise libérée avait mis en place une démarche participative pour élaborer le cadre permettant de "libérer" les projets et les faire porter par les salariés, avec la possibilité de les mener à terme en consultant les personnes impactées sans validation de la hiérarchie. Au bout d'un an et demi, l'entreprise constate que les salariés qui se sont emparés de cette politique de libération sont principalement les salariés qui ont des fonctions d'encadrement. Par ailleurs, ce sont avant tout les cadres qui prenaient la parole au sein des espaces de discussion. Dans ce contexte, les membres du CHSCT se sont fait les porte-voix des non-cadres en les consultant individuellement. Cela prouve qu'une démarche participative seule ne suffit pas ; associer les IRP permet de multiplier les canaux de remontée d’information.

Les démarches participatives traduisent-elles une défaillance du dialogue social en matière de conditions de travail ?

Amandine Bruguière : Les conditions de travail et la qualité de vie au travail ont été pleinement hissées au niveau du dialogue social à l’occasion de l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail. Mais il ne faut pas opposer dialogue social et dialogue professionnel. Les deux s’alimentent. Les discussions doivent avoir lieu au plus près de la réalité de l'activité, éventuellement avec l’aide d’un tiers, entre le manager et les collaborateurs. Et cette réalité doit pouvoir être remontée dans les sphères où se discutent les enjeux stratégiques.

Florence Mehrez
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