Imputation de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé

06.08.2018

Gestion d'entreprise

Même si elle n'ouvre pas droit à recours, cette allocation s'impute sur les frais d'assistance par tierce personne, mais l'imputation n'est que partielle en cas d'indemnisation réduite.

Un enfant est atteint de troubles neurologiques et autres imputables à des fautes commises par un centre hospitalier dans la prise en charge de la grossesse de sa mère. Une cour administrative d’appel estime que ces fautes sont à l’origine d’une perte de chance pour l’enfant d’échapper à son infirmité, évaluée à 30 %. Elle précise que les sommes dues à l’enfant seront versées sous déduction des sommes perçues au titre de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé. La mère de la victime, qui conteste le bien-fondé de cette déduction, se pourvoit en cassation contre cet arrêt et le Conseil d’État lui donne en partie raison.
Il rappelle en préambule qu’il « y a lieu de déduire de l’indemnisation allouée à la victime d’un dommage corporel au titre des frais d’assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais ; qu’il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n’ouvrent pas à l’organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage ; que la déduction n’a toutefois pas lieu d’être lorsqu’une disposition particulière permet à l’organisme qui a versé la prestation d’en réclamer le remboursement au bénéficiaire s’il revient à meilleure fortune ».
Remarque : sur ce point, le Conseil d’État est en total désaccord avec la Cour de cassation, pour qui les prestations qui ne font pas partie de celles ouvrant droit à recours subrogatoire en application de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ne sont pas déductibles des postes de préjudice qu’elles contribuent à réparer (Cass. 1re civ., 19 mars 2015, n° 14-12.792, n° 309 D ; Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-19.797, n° 1141 P + B ; Cass. crim., 1er sept. 2015, n° 14-82.251, n° 3131 P + B ; Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, n° 14-23.623, n° 942 D ; Cass. crim., 2 févr. 2016, n° 14-87.667, n° 6456 D ; Cass. 1re civ., 29 mars 2017, n° 16-13.866, n° 410 D ; Cass. 2e civ., 29 juin 2017, n° 16-17.864, n° 1058 D), sauf si la victime est indemnisée par le FIVA, le FGTI ou l’ONIAM.
Le Conseil d’État s’interroge ensuite sur la nature de l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé, instaurée à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale : elle est due à toute personne qui assume la charge d’un enfant handicapé dont l’incapacité permanente est égale à un certain taux. Un complément est accordé si le handicap exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l’aide d’une tierce personne. Elle n’est pas due lorsque l’enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale de ses frais de séjour par l’assurance maladie ou autre et elle n’est pas récupérable en cas de retour à meilleure fortune. Le Conseil d’État en déduit que le montant de cette prestation s’impute sur les indemnités dues au titre de l’assistance par tierce personne.
Toutefois, « lorsque l’auteur de la faute n’est tenu de réparer qu’une fraction du dommage corporel, cette déduction n’a lieu d’être que lorsque le montant cumulé de l’indemnisation incombant normalement au responsable et de l’allocation et de son complément excéderait le montant total des frais d’assistance par une tierce personne ; que l’indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent ». L’arrêt de la cour administrative d’appel est donc cassé pour avoir déduit des frais d’assistance par tierce personne, passés et futurs, la totalité des sommes perçues au titre de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et de son complément, « sans vérifier si le montant cumulé de ces prestations et de l’indemnisation ainsi mise à la charge du centre hospitalier excédait le montant total des frais d’assistance ».
Remarque : il semble que le Conseil d’État ait fait application, sans le dire expressément, de l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, aux termes duquel, « conformément à l’article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle ».
Sauf que ce texte vise les tiers payeurs bénéficiant d’un droit de subrogation et non les autres organismes dont les prestations n’ouvrent pas droit à recours contre le responsable. Il est vraisemblable que la Cour de cassation aurait une tout autre position, car elle a jugé que le droit de préférence prévu par ce texte en cas d’indemnisation réduite ne peut pas s’appliquer lorsque le tiers payeur ne dispose d’aucun recours subrogatoire, ce qui est le cas dans le cadre de l’indemnisation des victimes d’infraction par le FGTI (Cass. 2e civ., 10 déc. 2015, n° 14-25.757, n° 1680 P + B : RGDA févr. 2016, p. 96, commentaire J. Landel).
James Landel, Conseiller scientifique du Dictionnaire Permanent Assurances

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