La bataille du droit de vote est loin d'être gagnée

La bataille du droit de vote est loin d'être gagnée

13.11.2018

Action sociale

Le 8e congrès de l'association Nous aussi, regroupant des personnes handicapées intellectuelles, était centré le 9 novembre sur le droit de vote pour tous. Deux semaines après l'annonce d'une extension de celui-ci, les militants ont discuté des moyens à trouver pour le rendre effectif pour tous.

Ce matin frisquet mais ensoleillé du 9 novembre, une vingtaine de membres de l'association Nous aussi (regroupant des personnes handicapées intellectuelles) patientent devant la salle René Cassin de Verdun (Meuse). Ils attendent l'arrivée de "leur" ministre Sophie Cluzel qui doit intervenir lors de leur 8e congrès. A une époque où les ministres et même le président de la République se font accueillir de façon très fraîche voire hostile, là tout se fait dans la bonhomie et la cordialité. Une femme lance à la cantonade : "La ministre, on devrait l'accueillir avec des fleurs ou des bonbons". Finalement, quand la secrétaire d'Etat arrive, elle est accueillie par des applaudissements et par de nombreuses demandes de selfies.

Une question de dignité

De bout en bout du congrès de l'association Nous aussi, l'enthousiasme s'exprime de façon simple et directe. Très loin de la morosité démocratique qui envahit nos sociétés... "Le droit de vote, c'est maintenant !" : le thème de cette journée (choisi bien avant le dernier comité interministériel du handicap (CIH) qui a prévu une extension du droit de vote des personnes handicapées) résume bien la volonté d'être des citoyens comme les autres. "Le droit de vote, explique Lahcen Er Rajaoui, le président de Nous aussi, ce n'est pas une question de capacité, mais de dignité." Il rappelle que 300 000 personnes sont encore privées de ce droit.

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Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, explique que la loi étendant le droit de vote sera adoptée très prochainement et qu'actuellement 85 % des personnes handicapées sous tutelle sont privées de ce droit suite à une décision de justice. Elle insiste pour que les candidats fassent l'effort de proposer des documents faciles à lire et à comprendre (Falc), ce qui "bénéficiera à l'ensemble de la population, notamment vieillissante. Alors quand on lui objecte que certaines personnes handicapées pourraient être influencées dans leur choix électoral par leurs proches, Sophie Cluzel répond : "C'est le même argument qu'on sortait pour empêcher les femmes d'accéder au droit de vote."

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Rendre le vote accessible

Reste qu'il ne suffit pas d'avoir le droit de voter ; encore faut-il pouvoir l'exercer. "Le droit de vote sans l'accessibilité est une discrimination pure et simple", assure le président de Nous aussi. Par rapport au handicap physique, de nombreuses mairies ont fait des efforts pour rendre les bureaux de vote accessibles. En revanche, beaucoup de chemin reste à parcourir pour bien accueillir les personnes présentant une déficience intellectuelle : il faudrait proposer des documents électoraux en Falc, apposer sur les bulletins de vote une photo du candidat, disposer dans le bureau une signalétique claire à base de pictogrammes pour aider les personnes à se repérer... "Il faut également une formation des personnes accueillant les électeurs handicapés dans les bureaux de vote", souligne Nicolas Nordman, adjoint à la mairie de Paris chargé du handicap et de l'accessibilité. La capitale a mis en place un groupe de travail sur ces thèmes en articulation étroite avec Nous aussi.

Une enquête sur internet et une application

Pour mieux identifier l'ensemble des difficultés des personnes handicapées, Nous aussi a noué un partenariat avec l'Ancreai. Un questionnaire sera prochainement disponible sur internet dont les résultats serviront à écrire un guide très complet sur le vote (un document similaire a déjà été réalisé par Nous aussi sur les conseils de la vie sociale). Avec la délégation de Bordeaux, une application pour portable va être conçue pour permettre à chacun, sous forme ludique, de se mettre en position de voter.

L'affiche venue du Nord

Sur le terrain, il existe déjà quelques outils d'information. Ainsi, à Dunkerque (Nord), Nous aussi s'est associé à une association de directeurs pour concevoir une grande affiche "Je vote" qui raconte à travers des dessins les différentes étapes de l'acte de vote. Premières cases de l'affiche : "Je rentre dans le bureau de vote avec ma carte d'identité et ma carte d'électeur" "Je prends au moins deux bulletins et une enveloppe", etc.

Rencontres avec des politiques

Mais tout ne se résume pas à de l'information sur la procédure du vote. Il faut également investir dans la formation civique des électeurs handicapés. Dans le Doubs, la délégation de Nous aussi a organisé tout un cycle de rencontres avec des responsables politiques auxquelles ont participé environ 500 personnes. La délégation du Morbihan a donné naissance à un site internet Cap'acité qui, par des messages vidéo conçus par les personnes handicapées entièrement en Falc, renseigne sur toutes les démarches administratives, y compris pour accéder à la citoyenneté.

Démarches européennes

Sur le plan européen, les choses bougent également. La plate-forme européenne des auto-représentants (Epsa) - à laquelle adhère Nous aussi - fait pression auprès de la Commission pour que l'acte européen d'accessibilité soit étendu aux handicaps intellectuels. En 2018, Epsa met la gomme sur le débat politique. Après avoir travaillé avec le parti socialiste européen lors des dernières élections, la plate-forme s'est rapprochée du parti écologiste européen pour mettre en avant des propositions des personnes handicapées.  

Le droit de vote, une conquête

Plus globalement, Nous aussi espère que des améliorations - dans la disposition du bureau de vote, dans la présentation des bulletins de vote, etc. - seront expérimentées lors des élections européennes (en mai 2019) avant d'être généralisées pour les municipales de 2020. "Le vote, c'est important, conclut Adriana, une Mayennaise d'origine roumaine engagée à Nous aussi. Les ancêtres se sont battus pour obtenir ce droit."

Noël Bouttier
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