Les femmes sont plus souvent élues du personnel mais...

Les femmes sont plus souvent élues du personnel mais...

12.02.2018

Représentants du personnel

La part des femmes parmi les élus du personnel progresse en France : elle est passée de 32% à 40% entre 2001 et 2012. Néanmoins, les femmes, qui sont plus souvent élues sans étiquette dans des DUP et moins souvent déléguées syndicales, restent sous-représentées dans un grand nombre de secteurs et dans le collège cadres.

Précisons d'emblée que les chiffres analysés par la Dares (direction statistique du ministère du Travail), dans sa note publiée le 9 février, ne permettent pas d'évaluer les effets de l'obligation, intervenue avec la loi Rebsamen du 17 août 2015, d'une représentation des femmes et des hommes proportionnelle à leur présence dans les collèges électoraux dans les listes des candidats aux élections professionnelles. Cela étant, les évolutions mesurées tendent à montrer que cette parité relative commençait déjà à s'inscrire dans le paysage des institutions représentatives du personnel, mais de façon inégale selon les tailles d'entreprise, les secteurs professionnels et les catégories socioprofessionnelles (► voir notre infographie ci-dessous). Cette évolution s'expliquerait d'abord par la féminisation des collèges électoraux, c'est à dire par une plus grande part de femmes dans la population salariée des entreprises.

Une féminisation en cours, mais en trompe-l'oeil

En effet, de 2001 à 2012, la part des des femmes élues titulaires dans les comités d'entreprise ou d'établissement (CE) et dans les délégations uniques du personnel (DUP) a progressé de 32% à 40%. Cette proportion avoisine la part des femmes dans la population salariée étudiée ici : sur 8,3 millions de personnes, on compte 43% de femmes. Il s'agit donc d'une féminisation nette (+ 8 points) de la représentation du personnel. Mais une féminisation en trompe-l'oeil. D'une part, les femmes sont plus souvent élues sans étiquette, et ce dans des PME où la représentation du personnel est organisée en DUP. Elles sont aussi beaucoup moins souvent déléguées syndicales que les hommes, les femmes étant d'ailleurs moins souvent syndiquées qu'eux (7% contre 10%). Autre différence importante : la part de femmes élues du personnel est moindre chez les cadres (elles ne représentent que 28% des élus du collège ingénieurs et cadres dont elles constituent pourtant 34% de la population) que dans le collège employés et ouvriers. Dans ce collège, la part des femmes est passée de 37% à 41,7%, même si les femmes y restent encore sous-représentées (leur part dans cette population atteint 44,2% de salariés).

Mais surtout, les femmes restent sous-représentées dans un grand nombre de secteurs professionnels. Par exemple, si 73% des salariés de la santé, de l'action sociale et de l'enseignement sont des femmes, celles-ci représentent 67% des élus. Il en va de même dans l'industrie (25% d'élues pour 26,8% de salariées) ou dans l'hébergement et la restauration (45% d'élues pour 52,6% de salariées). En revanche, d'autres secteurs surreprésentent les femmes comme l'information-communication (37,7% d'élues pour 34,3% de salariées) ou même la construction (14,7% d'élues pour 10,5% de salariées). Dans ce dernier cas, la Dares explique cette curieuse situation par le fait que les femmes doivent occuper des emplois plus stables que les hommes dans un secteur où l'implantation syndicale est par ailleurs faible.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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L'appartenance à un syndicat

L'étude souligne qu'une femme a toujours, en 2011, une probabilité inférieure de 20% à un homme d'être représentante du personnel. Une féminisation qui diffère également, pour les femmes syndiquées, selon le syndicat choisi. Ainsi, si l'on met de côté les listes non syndiquées (qui comptent 45,5% d'élues), les syndicats comportant la plus forte proportion de femmes élues du personnel sont :

  • Solidaires (45,7%);
  • la CFTC (44,3%);
  • la CFDT (41,9%);
  • l'UNSA (39,1%);
  • FO (36,3%);
  • la CGT (32,6%);
  • la CFE-CGC (30,9%). 

Ces différences tiennent à des raisons historiques d'implantation dans des secteurs où travaillent plus ou moins de femmes (industrie pour la CGT et FO, commerce pour la CFTC, éducation-santé-action sociale pour Solidaires) mais aussi au poids des cultures syndicales où la cooptation, par exemple, joue au détriment des femmes, les autres facteurs sociétaux (partage inégal des tâches familiales) étant aussi à prendre en compte (voir par exemple notre article sur la CGT).

Quels effets produiront la loi Rebsamen et les ordonnances Macron avec le CSE ?

Une autre étude pourrait nous dire quelles sont les incidences de la loi Rebsamen sur la représentation des femmes au sein des IRP. Cette note de la Dares n'exclut pas des conséquences contradictoires avec le but recherché. "La parité étant prévue uniquement au niveau des candidatures, la loi Rebsamen n'assure pas des résultats réellement représentatifs de la répartition hommes/femmes des salariés de l'entreprise. Il est toujours possible d'exclure des candidates en raturant leur nom lors du vote. Mais surtout, dans les petites entreprises où le nombre d'élus est faible, le mode de calcul peut conduire à sous-représenter ou exclure totalement une catégorie de genre", écrivent les auteurs de l'étude, Lisa Mourlot et Maria-Teresa Pignoni. C'est d'ailleurs pour éviter ce risque que la loi Rebsamen a été retouchée avec les ordonnances Macron (voir notre article).

Une autre inconnue dans la poursuite de la féminisation de la représentation du personnel a enfin trait à l'instauration obligatoire d'une instance commune, le comité social et économique, et à la baisse du nombre de mandats qu'il représente, l'étude pointant le fait que la mixité est d'autant plus difficile à atteindre que le nombre d'élus total est faible, le. "On peut se demander, écrit la Dares en conclusion, si, du moins à court terme, la centralisation accrue des IRP, la fusion des instances et la réduction du nombre de mandats n'auraient pas un impact défavorable sur l'accroissement de la présence des femmes dans les instances représentatives du personnel".

 

 

Bernard Domergue
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