Possibilité de résiliation du bail indépendamment du non paiement des loyers

16.02.2018

Gestion d'entreprise

L'article L. 622-13, II n'interdit pas à l'administrateur judiciaire de mettre un terme à tout moment à un contrat de bail, même si les loyers peuvent être payés à l'échéance.

Une société, après avoir été soumise à une procédure de sauvegarde, bénéficie d’un plan de sauvegarde et, ce même jour, les administrateurs judiciaires résilient trois contrats de bail portant sur des locaux affectés à l’activité en mentionnant une clause d’effet différé de cette rupture. Un litige s’étant élevé sur cette résiliation dont le bailleur conteste l’efficacité, la Cour de cassation dans l’arrêt du 24 janvier 2018 apporte deux précisions qu’il est intéressant de souligner.

D’une part, la Cour de cassation est conduite à se prononcer sur la combinaison des causes de résiliation des contrats issues des articles L. 622-13 et L. 622-14 du code de commerce. En effet, l’article L. 622-14 qui énonce des causes particulières de résiliation, réserve l’application de l’article L. 622-13, II. Ce texte, invoqué en l’espèce par le bailleur, prévoit que l’administrateur puisse mettre fin à un contrat continué s’il apparaît qu’il ne pourra pas honorer les échéances à venir.

Cette dernière modalité de rupture doit-elle prévaloir en cas de continuation du contrat de bail ? La Cour de cassation répond par la négative en précisant que  l’arrêt retient exactement que si l’article L. 622-13, II, fait obligation à l’administrateur de résilier un contrat à exécution successive à défaut de fonds suffisants pour acquitter le terme suivant, cette obligation ne lui interdit pas de mettre un terme à tout moment à des contrats de bail, même si les loyers peuvent être payés à l’échéance. C’est donc la voie de la souplesse qui est retenue par la Cour de cassation pour la résiliation du bail, laissant ainsi aux administrateurs le choix des armes… pour rompre le contrat sans avoir à établir une impossibilité d’exécution.

C’est l’esprit du texte qui a souhaité renforcer les droits du débiteur placé en procédure. Il faut noter dans cette affaire, qu’il était judicieux de procéder à cette résiliation le jour de l’adoption du plan qui marque le terme de l’application des mesures favorables au locataire. Ensuite, c��est le droit commun du bail qui aurait régi cette rupture.

D’autre part, la Cour de cassation doit se prononcer sur les modalités de cette résiliation du contrat fondée sur l’article L. 622-14, 1°, les administrateurs qui avaient usé de cette faculté ayant assorti la résiliation d’un effet différé. Conformément à la lettre du texte qui est sans ambiguïté, la Cour de cassation décide que « la résiliation étant, par application de la loi, effective dès le jour où le bailleur en est informé, le fait que l’administrateur lui ait indiqué que la résiliation n’interviendrait qu’à une date ultérieure, n’a pas eu pour effet de la rendre irrégulière ni d’en différer la date ». La décision de la Cour de cassation conserve donc son efficacité juridique à la résiliation tout en neutralisant son effet différé.

Enfin, cet arrêt a également permis de clarifier un point de procédure dans ce contentieux sur le bail à propos de l’avis donné par le ministère public. Le bailleur avançait qu’il aurait dû être communiqué aux parties ce que réfute la Cour de cassation en affirmant que « mais attendu que l’avis écrit du ministère public, par lequel ce dernier déclare s’en rapporter, étant sans influence sur la solution du litige, n’a pas à être communiqué aux parties ». La encore, l’argument du bailleur n’a pas fait mouche. 

Marie-Hélène Monsérié, Professeur à l'université de Toulouse I

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