Prélèvement à la source : "l'enjeu numéro un est de rassurer les salariés"

Prélèvement à la source : "l'enjeu numéro un est de rassurer les salariés"

14.11.2018

Gestion du personnel

Information des salariés, régularisation des anomalies, gestion des taux neutres... A moins de deux mois de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source, il faut s'assurer que la transition sera correctement gérée dans l'entreprise. Hier lors d'une formation organisée à Paris, l'avocate Christine Lavallart-Guerra du cabinet Barthélémy avocats a livré ses derniers conseils pratiques.

"Si vous êtes encore dans le flou, ou que vous êtes un peu en retard dans la mise en oeuvre de la réforme, ne vous inquiétez pas vous n’êtes pas les seuls !" L'avocate Christine Lavallart-Guerra du cabinet Barthélémy avocats présentait hier matin les enjeux, pour les entreprises, de la réforme sur le prélèvement à la source (PAS).

Devant elle, une audience composée de professionnels des ressources humaines, juristes, gestionnaires paie, avocats et même patrons de PME, qui avouent être encore perdus en préparant l'entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2019. L'une des participantes explique qu'elle vient glaner des informations en vue de la préparation d'une foire aux questions (FAQ) en ligne à destination des salariés de son entreprise. Elle fait bien : selon l'avocate, la communication est un enjeu lorsqu'il s'agit d'anticiper l'arrivée du prélèvement à la source dans les entreprises.

"Le PAS aura-t-il des conséquences sur mon augmentation ?"

La réforme suscite bon nombre de rumeurs et inquiétudes dans l'opinion publique. Selon certaines d'entre elles, le système de retenue à la source serait un moyen pour l'employeur de commettre des atteintes à la vie privée des salariés. Le conseil de Maître Christine Lavallart-Guerra : "informer les représentants du personnel ainsi que les salariés sur les principaux mécanismes du PAS. Il faut leur rappeler que les salariés ne donnent aucune information à l'employeur, et que ce dernier est soumis au secret professionnel s'agissant du taux de PAS des salariés."

Dans certaines entreprises, particulièrement lorsque le climat social est plus tendu, les méfiances peuvent aller plus loin. Certains salariés ou représentants du personnel devront être rassurés sur l’absence de conséquences sur les futures augmentations de salaire ou sur l'ordre des licenciements. "La communication doit être adaptée aux spécificités de chaque entreprise. Je conseille de ne rassurer sur ces questions que lorsque le postulat de méfiance est déjà présent dans l'entreprise. Mieux vaut éviter de créer un doute là où il n'y en avait pas".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Éviter les files d'attente devant le service paie

Rassurer les salariés, c'est aussi faire oeuvre de pédagogie au sujet des conséquences pratiques de la réforme sur leurs revenus. "Il est important de préparer psychologiquement les salariés à la baisse faciale de leur rémunération. Cela vous évitera de voir se créer une file d'attente devant votre service paie dès le 2 février, suite à la réception du premier bulletin de paie", avertit l'avocate.

L'enjeu est de montrer que l'entreprise anticipe correctement la transition. "En termes de communication, il peut être judicieux de présenter aux salariés leurs nouveaux bulletins de paie, par exemple via une simulation du bulletin de paie « nouvelle formule ». Vous pouvez également présenter de façon pédagogique les trois types de taux fiscal : taux personnalisé, taux individualisé, taux neutre ; en expliquant comment ils sont calculés, et en rappelant qu'à tout moment ils peuvent demander à en changer."

► Les salariés auront une visibilité mensuelle sur leur salaire avant et après impôt, grâce aux nouveaux modèles de bulletin de paie fixés par l'arrêté du 9 mai 2018. Ce texte liste les libellés obligatoires du bulletin de paie, avec notamment le "net à payer avant impôt sur le revenu", le taux du PAS, l'assiette du PAS, "Impôt sur le revenu prélevé à la source" (c'est-à-dire le montant du PAS effectué) et "net payé en euros" (c'est-à-dire le montant du revenu net à verser après déduction des cotisations sociales et PAS).

Éclairer le sujet de l'année blanche

L'un des objectifs du PAS est de rendre le paiement de l'impôt contemporain à la perception des revenus. Autrement dit, l'année de décalage entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt sur ces revenus n'existera plus. Dès lors, l'impôt sur les revenus de 2017 est payé en 2018, et l'impôt sur 2019 serapayé en 2019. Quant à l'année 2018, elle sera considérée comme une "année blanche" pour l'administration fiscale. Les contribuables bénéficieront d'un crédit d’impôt (CIMR) correspondant au montant de leurs revenus courants non exceptionnels perçus en 2018. Les revenus dits "exceptionnels" resteront imposables.

"Ce n'est pas à vous de qualifier ce qu’est un revenu exceptionnel, rappelle Christine Lavallart-Guerra à l'attention des représentants d'entreprises. Mais vous pouvez avoir à répondre à certaines questions sur le sujet." Ainsi, toutes les indemnités de rupture du contrat de travail, même l'indemnité transactionnelle, seront des revenus exceptionnels. Mais attention, "revenu exceptionnel ne signifie pas revenu imposable, rappelle l'avocate du cabinet Barthélémy. L'indemnité transactionnelle est par exemple exonérée d'impôt dans la limite de six fois le plafond annuel de sécurité sociale". Pour rappel, l'administration fiscale a détaillé le contenu des revenus exceptionnels dans une note publiée cet été.

Les premières anomalies émergent

Depuis le mois d'octobre, les entreprises ont reçu leurs compte rendu métiers contenant les taux de PAS de leurs salariés. Les taux reçus sont valables le mois de leur transmission et les deux mois suivants : par exemple, un taux reçu le 15 octobre est valable jusqu'à la fin du mois de décembre. "Il est préférable de toujours se baser sur le dernier taux envoyé par l'administration, même si le précédant taux était encore valable, recommande Christine Lavallart-Guerra. Cela permet d'anticiper un éventuel retard de l'administration dans l'envoi des taux."

Selon l'administration fiscale, 55 % des contribuables ne sont pas imposables, et se voient donc appliquer un taux de PAS de 0 %.

L'avocate attire également l'attention sur les salariés qui se verront appliquer un "taux neutre" (ou "taux par défaut"), soit parce qu'ils l'ont choisi (afin de garder secret le montant de leur taux personnalisé), soit parce qu'ils sont nouveaux dans l'entreprise (changement d'employeur, premier emploi) ou sont embauchés en CDD de moins d'un mois. Trois grilles (applicables en fonction du lieu de résidence du contribuable) sont fixées par le code général des impôts (article 204 H), et donnent le barème applicable en fonction du revenu mensuel du salarié. "Si le salarié entre en cours de mois dans l'entreprise, son revenu mensuel sera moins élevé que le mois suivant, et il peut relever d'une autre tranche en application du barème, avertit l'avocate. De même, un salarié sous taux neutre qui perçoit une prime peut changer de taux par rapport au mois précédant."

Les grilles de taux neutre devraient être révisées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, actuellement en cours d'examen par l'Assemblée nationale.

L'envoi des CMR a aussi permis aux employeurs de prendre connaissance de certaines anomalies constatées par l'administration. "Les principales remontées rencontrées chez nos clients concernent l’adresse et le nom des salariés, explique l'avocate. Souvent, il s'agit de salariés qui possèdent un nom d'usage différent de leur nom d'état civil, ou bien d'homonymes au sein d'une même société. Des anomalies surviennent également lorsqu'un salarié donne aux RH une adresse dans un département d'outre-mer, alors qu'ils sont domiciliés en métropole selon l'administration fiscale. L'administration demandera aux entreprises concernées des informations supplémentaires afin de régulariser ces anomalies, puis elle se retournera vers le contribuable".

Dernier conseil de Maître Christine Lavallart-Guerra : éviter de se substituer à l'administration fiscale, qui reste l'interlocuteur de référence sur le PAS. "Si un salarié vient vous voir parce que le taux sur son bulletin de paie n’est pas le même que sur son avis d’imposition, vous ne pouvez en aucun cas modifier unilatéralement le taux. Le seul taux de PAS que vous pouvez appliquer est celui communiqué par l’administration fiscale. S'il y a une erreur, c’est au salarié de se tourner vers l’administration."

Laurie Mahé Desportes
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