Réformes sociales : la Fondation Jean Jaurès pointe les erreurs de méthode de François Hollande

Réformes sociales : la Fondation Jean Jaurès pointe les erreurs de méthode de François Hollande

09.11.2018

Gestion du personnel

La Fondation Jean Jaurès a présenté hier un inventaire du quinquennat de François Hollande. Et le volet social n'est pas en reste avec la loi Travail, le compte personnel d'activité et le dialogue social, trois sujets lestés par des erreurs de méthode qui ont empêché l'ancien président de les porter politiquement.

La Fondation Jean Jaurès s'est attelée à un travail d'inventaire du quinquennat de François Hollande, plus d'un an après que son ancien ministre de l'économie, Emmanuel Macron, se soit installé à l'Elysée. "Ce travail arrive à temps, ni trop tôt, ni trop tard", estime Alain Bergounioux (*). Mais, l'exercice n'est pas chose aisée, reconnaît Gilles Finchelstein (**). "L'inventaire est un exercice toujours compliqué. Il nous a paru indispensable aujourd'hui car le quinquennat a été atypique". Anormal à trois titres : en raison de la crise européenne, du renoncement de François Hollande à se représenter à la fonction de président de la République, et d'une "gauche [qui] n'a jamais disposé d'une force institutionnelle telle et qui, cinq ans après, est plus faible que jamais", note Mathieu Souquière (***).

Selon Alain Bergounioux, il est davantage question "d'un échec politique que d'un échec économique et social". En somme, le rejet des réformes économiques et sociales ne tiendrait pas tant au fond qu'à des circonstances économiques et des erreurs de méthode. Comment expliquer sinon cette opposition alors que les réformes du quinquennat ont poursuivi "les politiques qui ont été mises en oeuvre à des degrés divers dans les années 2000" ?; s'interroge-t-il

S'agissant du volet social, la Fondation Jean Jaurès analyse l'évolution de la démocratie sociale pendant ces cinq années, mais aussi le parcours chaotique de la loi Travail, et de l'un de ses éléments, le compte personnel d'activité qui de "grande réforme sociale du quinquennat" n'a pas été mis au crédit de François Hollande qui, d'ailleurs, l'a très peu porté.

La démocratie sociale comme méthode en prise avec les réalités du terrain

Dès 2011, le candidat François Hollande promettait déjà de faire du dialogue social sa méthode de gouvernement dans une tribune publiée dans Le Monde. En arrivant au pouvoir, son ambition était telle qu'il promettait de constitutionnaliser le rôle des partenaires sociaux. Mais le projet a fait long feu. "Un projet de loi allant dans ce sens n'a finalement pas été soumis au vote faute de pouvoir réunir une majorité parlementaire", souligne Mathieu Souquière

Le quinquennat a toutefois été marqué par de grandes conférences sociales "destinées à réunir les partenaires sociaux dans le but de fixer conjointement chaque année les thèmes proritaires de la négociation collective". Si les deux premières ont été saluées par l'ensemble des partenaires sociaux, Jean-Claude Mailly, alors leader de FO, avait claqué la porte de la troisième édition !

Au final, "cette belle idée en faveur de la démocratie sociale s'est heurtée au mur de la réalité". Et la Fondation Jean Jaurès de lister les principaux obstacles qui ont jalonné le parcours de François Hollande. "Il y a d'abord eu l'inconfort de fond, en France, à l'égard de la démocratie sociale" et une certaine "frilosité des acteurs tant du côté syndical que patronal". La note souligne par ailleurs le "discrédit des acteurs de la démocratie sociale" avec "deux radicalités qui se sont affrontées, celle du Medef et celle de la CGT". Enfin, un contexte social peu propice. "C'était l'image réelle ou fantasmée d'un dialogue social noué alors que les salariés se trouvaient avec un pistolet sur la tempe et s'exposaient au chantage au licenciement".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le parcours semé d'embûches de la loi Travail

La loi Travail aura, avec la déchéance de la nationalité, fait basculer le quinquennat de François Hollande. "La loi Travail fait figure de cas d'école...", fait remarquer Mathieu Souquière. Cas d'école car la loi Travail n'aurait pas dû se heurter à une telle opposition, estime la Fondation Jean Jaurès. Mais la conjoncture de plusieurs éléments est venue modifier le cours des choses. D'une part, "un contexte inflammable" avec l'émergence du débat sur la déchéance de nationalité "qui fracture la confiance résiduelle qui était la sienne et la gauche dans son ensemble".

D'autre part, un objectif resté "flou". Selon le bilan de la Fondation Jean Jaurès, les principales avancées de la loi Travail sont passées inaperçues. Le "principe d'accord majoritaire constituait sans aucun doute l'une des innovations majeures de cette loi même s'il n'a jamais été perçu comme tel, voire pas perçu du tout". En cause : l'ajout dans la première version du projet de loi Travail du barème d'indemnités prud'homales et des dispositions relatives au licenciement économique, qui ont mis le feu aux poudres. "D'une loi sur le dialogue social, elle devient une loi en faveur de l'emploi. On sait que courir les deux lièvres à la fois conduit en général à l'essoufflement et à l'échec", souligne Mathieu Souquière dans le document. Et il apparaît difficile d'affirmer que François Hollande n'aurait pas pris part à ces évolutions du texte. "Tout cela n'a évidemment pas pu se faire sans l'assentiment de François Hollande, mais celui-ci s'est gardé de se placer au premier rang de l'explication de la réforme".

La Fondation Jean Jaurès relève par ailleurs que le gouvernement s'est pris les pieds dans les éléments de langage, ce qui a concouru davantage encore à obscurcir le débat. "Assouplir les conditions du licenciement économique, dit-on dans un premier temps, incitera les chefs d'entreprise à recruter davantage. Moins de chômage en perspective donc. Mais face aux contre-argumentations immédiates, le gouvernement lui-même évolue dans son propos : les entreprises, rassurées par ces dispositions, vont désormais pouvoir privilégier les CDI plutôt que les CDD dont le nombre a dramatiquement explosé. Il ne s'agit plus de dire que cette loi va créer de l'emploi mais qu'elle va contribuer à substituer de l'emploi stable à de l'emploi précaire".

Des erreurs de méthode se sont ajoutées, braquant les syndicats, même les réformistes qui étaient favorables à une telle réforme, à l'instar de la CFDT, en ne soumettant pas à la concertation l'ensemble des dispositions du projet de loi. Erreur renouvelée avec les parlementaires en dégainant le 49.3. "Le pouvoir n'était pas seulement faible, il était désormais seul".

Enfin, le bilan déplore "un jeu d'acteurs toxiques" : des leaders syndicaux "qui jouent la surenchère", une "bataille de coulisses et de micros" entre le Premier ministre et le ministre de l'économie, la confrontation avec les "frondeurs".

Le CPA, la "grande réforme du quinquennat" qui a fait pschitt

Parmi les mesures qui étaient dans la loi Travail et qui ont fait les frais de l'opposition contre le texte : le compte personnel d'activité (CPA) qui était présenté par François Hollande lui-même, comme "la grande réforme sociale du quinquennat". Il devait être, comme le souligne Mathieu Souquière, "la première brique d'un modèle de flexisécurité à la française en rattachant des droits à la personne et non plus au statut. Inséré dans la loi Rebsamen, dans son principe, la loi Travail a boosté le CPA en forme de sécurité sociale professionnelle pour tout le monde et des droits augmentés pour ceux qui en ont le plus besoin et un droit à la formation modulé selon les besoins".

Pour Gilles Finchelstein, "Le CPA est une excellente illustration de l'absence de récit" qui a caractérisé le quinquennat Hollande. "Le CPA est l'aboutissement de nombreuses réformes sur l'Etat Providence avec notamment l'ANI du 11 janvier 2013 [sur la sécurisation de l'emploi] et les droits rechargeables. Mais ce fil n'a pas été tiré. François Hollande ne le fait pas pendant qu'il est en exercice". Par ailleurs, note-t-il, alors que le CPA était déjà une idée abstraite, après le débat sur la déchéance, elle devient totalement inaudible".

C'est donc un bilan en demi-teinte que dresse la Fondation Jean Jaurès du bilan social de la présidence de François Hollande : une accumulation d'erreurs de méthode, mêlées à un contexte économique de crise, qui n'ont pas permis au président de la République de rendre ses réformes acceptables alors que le gouvernement actuel, loin de tout remettre en cause, en a poursuivi certaines à l'instar des ordonnances Travail qui ont prolongé le mouvement engagé par la loi Travail.

 

(*) Alain Bergounioux est membre du conseil d'administration de la Fondation Jean Jaurès et directeur des études auprès du premier secrétaire du Parti socialiste.

(**) Gilles Finchelstein est directeur général de la Fondation Jean Jaurès et directeur des études de Havas Worldwide.

(***) Mathieu Souquière a été conseiller stratégie et discours au cabinet de Myriam El Khomri lorsqu'elle était ministre du travail

Florence Mehrez
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