Regroupement des Opca : qui seront les gagnants et les perdants de la réforme?

Regroupement des Opca : qui seront les gagnants et les perdants de la réforme?

13.09.2018

Gestion du personnel

Au lendemain de la remise du rapport Marx-Bargorski qui devrait préfigurer la cartographie des futurs opérateurs de compétences, les Opca font leurs comptes. Selon le découpage retenu, certains pourraient avoir plus à perdre que d’autres. L’avis de plusieurs experts et responsables d’organismes collecteurs.

Les premières auditions ont débuté. Les branches professionnelles ont en effet jusqu’au 31 décembre pour désigner leur futur opérateur de compétences de rattachement. Resteront-elles avec leur opérateur actuel ou décideront-elles de solliciter un autre interlocuteur ? A charge pour les Opca de mener des opérations séduction pour convaincre le plus grand nombre. Faute de décision, le gouvernement reprendra la main. Les discussions s’appuient sur le rapport Marx-Bargorski, remis à la ministre du travail, le 6 septembre. Il préconise le regroupement des 20 Opca existants en 11 opérateurs de compétences. Cette feuille de route devrait préfigurer la nouvelle cartographie de ces futures instances. La ministre du travail a salué le travail des rapporteurs. "L’exigence de cohérence (…) a présidé aux propositions du rapport, comme elle présidera aux décisions d’agréments des opérateurs de compétences", a-t-elle argué dans un communiqué.

Adhésion "aux forceps"

Reste que sur la forme, certains craignent une "adhésion aux forceps" ; la méthode ne fait pas l’unanimité. "Si je suis négociateur, je peux avoir l’impression que les jeux sont faits, alerte Jean-Pierre Willems, consultant et expert en droit de la formation, devant l’Ajis (Association des journalistes de l’information sociale), au cours d’une conférence dédiée à ce sujet, hier. De fait, les négociateurs aiment savoir où sont leurs marges de manœuvre. Or, ici, l’Etat peut à tout moment récuser ces accords et décider de ne pas délivrer les agréments aux nouveaux opérateurs de compétences". D’autant "qu’on leur demande de prendre le sujet à l’envers, poursuit Jean-Pierre Willems. On invite les branches à choisir un opérateur avant de négocier des plans d’action". C’est-à-dire d’opter pour un "outil" avant de réfléchir à "sa finalité".

D’ores et déjà, quelques difficultés se font jour. Ici, ce sont les responsables d’Opca qui ne veulent pas perdre leurs prérogatives. Là, ce sont les branches qui ne souhaitent pas quitter leur organisme paritaire… Sans compter les querelles de représentativité patronale entre CPME, Medef, U2P (Union des entreprises de proximité)… "Il y aura des mariages forcés", prédit Jean-Pierre Willems. L’idée étant de faire fi des statuts pour se couler dans une logique filière afin d’éviter que les secteurs soient éclatés entre plusieurs opérateurs.

Des filières plus ou moins cohérentes

Sur le fond, ensuite, le rapport suscite quelques incompréhensions. Si certaines filières sont perçues comme cohérentes, à l’instar, de l’industrie, de la construction, de la mobilité, de la culture et des médias, d’autres paraissent plus décousues. "C’est le cas de l’opérateur Services financiers et conseil qui regroupent l’ensemble des services intellectuels, banques, assurances, activités de conseil et professions juridiques", relève un observateur. "Ou encore de l’opérateur travail temporaire, propreté et sécurité, qui agrège des salariés plutôt précaires et de faible qualification, dans une logique de non-compétences", indique cet autre expert.

Qui seront les gagnants et les perdants de la réforme ? "Aucun, insiste René Bargorski, président de l’Afref (Association française pour la réflexion et l’échange sur la formation), co-auteur du rapport qui participait à la table-ronde de l’Ajis. Tous les opérateurs disparaissent de fait. Mais il y a aura des opérateurs cibles qui pourront s’appuyer sur les opérateurs actuels les plus en capacité d’assurer à la fois les nouvelles missions fixées par la loi et la bonne continuité des services". Voilà pour la théorie. Mais en pratique, chacun fait ses comptes. Qui récupéra l’agriculture et la transformation alimentaire ? Est-ce le Fafsea ou Opcalim ? Qui chapeautera les services financiers ? Le Fafiec ou Opcabaia (banques, sociétés d'assurances, mutuelles d'assurances ...) ?

Les stratégies

De son côté, le Forco, l’Opca du commerce et de la distribution, qui rassemble aujourd'hui, 13 branches du commerce et de la distribution, devra convaincre une partie du commerce de détail et les indépendants, actuellement encartés au sein d’Agefos-PME, de rejoindre son giron. Parmi ses atouts, le Forco pourra mettre en avant l’accord cadre national pour la mise en œuvre d’un engagement de développement de l’emploi et des compétences (Edec), signé en octobre 2017, avec le ministère du travail, afin d’accompagner les entreprises et leurs salariés dans leurs transformations, notamment numériques. Il pourra également faire valoir l'arrivée de la branche du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers (20 000 entreprises cotisantes et 70 000 salariés), en juillet dernier.

Les secteurs absents

Mais quid des interprofessionnels, Agefos-PME et Opcalia ? Pour Yves Hinnekint, directeur général d’Opcalia, la messe n’est pas dite. "Car les interprofessionnels ont une longueur d’avance sur plusieurs points mentionnés par la loi, la proximité, l’ancrage territorial, l’accompagnement TPE/PME, la certification et la gestion des contrats de professionnalisation". Les auteurs du rapport l’attestent : "les Opca interprofessionnels disposent d’un ancrage territorial particulièrement précieux qui devra être un point d’appui pour le nouveau paysage des opérateurs de compétences. Dans une logique de cohérence et de taille critique, un recentrage pourra s’avérer nécessaire, en fonction des discussions de branches".

Opcalia qui détient d’ores et déjà 80 % de la filière textile, de la maroquinerie, du luxe, pourrait, de fait, réunir le secteur des matériaux créatifs et du verre. De même l’opérateur qui compte parmi ses activités les secteurs de l’eau, de l’environnement, des déchets et du recyclage, pourraient nourrir une filière environnement.

Une chose est sûre : "Opcalia à l’horizon 2019 ne sera plus le même Opcalia, assure Yves Hinnekint. Mais il sera bien un support pour un prochain opérateur de compétences". En revanche, Agefos-PME, sollicité, n’a pas souhaité répondre.

Enfin quel devenir pour les secteurs absents ? L’immobilier ? La restauration collective? Les télécommunications ? D’autres Opca relèvent de plusieurs hypothèses. Le commerce de gros pourrait être rattaché à la fois à la mobilité et au commerce ; les mutuelles, rejoindre les services financiers ou la cohésion sociale. Les secteurs de l’énergie ou encore de la formation pourraient également se positionner dans plusieurs champs distincts. Le mercato ne fait que commencer…

 

Quel impact sur l’emploi des Opca ?

Les 4 500 salariés des Opca pourraient-ils faire les frais de ces regroupements ? C’est ce qu’affirme Force ouvrière. Or, "comment, notamment, favoriser le départ en formation des salariés dans les petites entreprises, promouvoir l’alternance, apporter un appui technique aux branches, assurer un service de proximité, tout cela avec toujours moins de ressources financières, de femmes et d’hommes, de savoir-faire, de compétences ?", s’interroge le syndicat dans un communiqué.

Les salariés n’auront plus à se charger de la collecte des fonds de formation, cette mission étant dévolue aux Urssaf. Mais d’ores et déjà, elle est réduite à portion congrue chez Opcalia, ne représentant que 0,8 % de l’activité (cinq personnes). D’autres opérateurs ont opté pour une externalisation de la collecte ou recourent à des intérimaires, en février, cette tâche étant "très saisonnière". De même, ils n’auront plus en charge l’ingénierie financière de la formation. Mais ils auront pour fonction "d'aider les branches professionnelles et les entreprises à anticiper les mutations technologiques, leurs effets positifs et négatifs sur l'emploi, les besoins nouveaux en compétences, les implications sur la formation et la reconversion et la sécurisation des parcours des salariés", selon le rapport. Pour René Bargorski, qui participait à la table-ronde de l’Ajis, hier, "le regroupement se fera à périmètre constant". "Il faut, en revanche, favoriser la montée en compétences, de nouveaux métiers vont apparaître notamment des métiers dédiés à l’accompagnement des PME/PMI ou encore sur l’anticipation des savoir-faire". "L’Etat ne veut pas que le premier impact de la réforme soit un grand plan social", abonde Jean-Pierre Willems.

Même si "il y a risque avéré sur les fonctions supports", affirme cet expert. Chaque fois que l’on concentre, on fait des économies d’échelle". Sauf peut-être à transférer une partie du personnel vers les Urssaf…

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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