Suppression de l'obligation de stage préalable à l'installation des artisans

26.11.2018

Gestion d'entreprise

Projet de loi PACTE : la suppression de l'obligation de suivi de stage pour les créateurs d'entreprises artisanales devrait faciliter la création d'entreprises.

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) présenté par le ministre de l’économie et des finances et voté en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 octobre 2018 a pour objectif de simplifier la vie des entreprises en allégeant le poids et le coût de leur création et de leur fonctionnement.

Ce projet, qui comporte à l’heure actuelle 73 articles, propose notamment 5 mesures axées sur la simplification de la création d’entreprise. La suppression du stage de préparation à l’installation pour le créateur d’une entreprise artisanale en fait partie, stage inscrit à l’article 2 de la loi du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans et modifié en fonction des réformes intervenues depuis, mais encore jamais remis en cause.  Selon l’étude d’impact pourtant, ce stage n’est pas adapté et trop cher : l’obligation de le suivre serait donc supprimée pour les créateurs d’entreprises, et, rendu facultatif, il deviendrait en outre moins onéreux.

Sa suppression devrait permettre de " fluidifier " la création d’entreprise et d’aligner par la même occasion le régime des artisans à celui des autres travailleurs indépendants pour qui le suivi de ce stage est facultatif.

Rendre le stage facultatif afin de permettre au créateur d’entreprise artisanale de démarrer son activité à sa convenance

Pour faciliter la création d’entreprise, le projet de loi prévoit de supprimer l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation pour le créateur d’entreprise artisanale et de le rendre facultatif. L’idée est de permettre au créateur d’entreprise de démarrer son activité sans attendre l’accomplissement du stage qui est un préalable aujourd’hui obligatoire à l’immatriculation au Répertoire des métiers,  tout en lui permettant d’être éventuellement accompagné postérieurement à son immatriculation au moment où il considère en avoir le plus besoin.

C’est la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat qui a instauré l’obligation pour les chambres de métiers et chambres de commerce d’organiser des stages de courte durée d’initiation à la gestion (SIG), à l’intention des professionnels demandant pour la première fois l'immatriculation d'une entreprise artisanale ou commerciale. Cette obligation est maintenue. En revanche, c’est l’obligation imposée aux créateurs d’entreprise artisanale de suivre un stage de préparation à l’installation (SPI) et inscrite à l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982, qui est remise en question par le projet de loi PACTE.

Remarque : le projet de loi PACTE va clarifier la terminologie puisque l’article 4 du projet dispose que le " stage d’initiation à la gestion " est dénommé " stage de préparation à l’installation " lorsqu’il est organisé par le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat.

A l’heure actuelle, avant son immatriculation au Répertoire des métiers, le futur chef d'entreprise doit suivre ce SPI, qui est d’ailleurs ouvert au conjoint du futur chef d'entreprise. Ce stage comporte deux parties, toutes deux éligibles à un soutien financier des fonds d'assurance formation. La première partie correspond aux 5 jours de formation préalable à toute inscription au Répertoire des métiers. Elle comprend, notamment, des cours et des travaux pratiques pour permettre au futur chef d'entreprise de connaître les conditions de son installation, les problèmes de financement, ainsi que les techniques de prévision et de contrôle de l'exploitation. Elle comporte une initiation à la comptabilité générale et à la comptabilité analytique, ainsi qu'une information sur l'environnement économique, juridique et social de l'entreprise artisanale. La seconde partie correspond à la période d'accompagnement postérieure à l'immatriculation au Répertoire des métiers et à l'installation de l'artisan (pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, c’est le registre des entreprises).

De très nombreuses dispenses de stage existent néanmoins (quasiment 35% des artisans sont dispensés du SPI en raison de leur formation, expérience professionnelle, etc…) listées à l’article 2 de la loi précitée, et la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat a en revanche supprimé la dispense de stage de préparation à l'installation (SPI) qui bénéficiait aux auto-entrepreneurs artisans (L. n° 2014-626, 18 juin 2014 : JO, 19 juin), en même temps que les inégalités de formation et qualification professionnelle entre les auto-entrepreneurs et les artisans et qui avaient exacerbé l’inquiétude de ces derniers.

La suppression de ce stage obligatoire pour les créateurs d’entreprise artisanale  et le maintien d’un stage simplement facultatif -comme l’est déjà le stage d’initiation à la gestion (SIG) organisé pour les commerçants par les CCI- accompagné d’une offre d’accompagnement plus souple, représenterait un gain de temps mais aussi d’argent. En effet, en pratique ces stages d’initiation à la gestion des futurs chefs d’entreprise ont une durée minimale obligatoire de trente heures et doivent se dérouler sur une période de deux mois au plus, la durée de chaque période de stage étant de 3 jours au moins et de cinq jours au plus (D. n° 83-517, 24 juin 1983 fixant les conditions d’application de la loi de 1982).

Selon l’étude d’impact, étude  rendue obligatoire depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le gain financier de cette suppression de stage pour le créateur d’entreprise artisanale est estimé au minimum à 242 euros pour un micro-entrepreneur et à 548 € pour un artisan optant pour un autre statut.

Remarque : les travaux parlementaires font également état d’une perte de recettes pour les chambres des métiers puisqu’en 2016, l’organisation de ces stages leur avait rapporté 21 millions d’euros de recettes, c’est-à-dire 2% de leurs ressources.
Alléger le coût du stage et ne plus encadrer son prix par une loi de finances

Aujourd'hui,  le prix du stage de préparation à l’installation du chef d’entreprise artisanale oscille dans une fourchette de 400 à 500 € en moyenne selon les chambres.

Ce coût a été calcul�� en tenant compte non seulement du prix du stage en lui-même évalué à 194 euros en 2017, mais aussi du manque à gagner pendant les 30 heures (5 jours) que dure cette formation obligatoire, auquel s’ajoute le coût engendré par la perte d’activité en attendant l’inscription au Répertoire des métiers. On évalue à cet égard à une trentaine de jours le délai d’attente pour s’inscrire au stage, délai qui impacte donc directement le début d’activité puisque les entrepreneurs ne peuvent être immatriculés au répertoire des métiers et donc débuter leur activité avant d’avoir suivi ce stage.

On est donc loin des objectifs de l’Union européenne qui préconisait la création d’une entreprise en 3 jours ouvrables et des coûts de formalité ne dépassant pas 100 euros.

Remarque : certains parlementaires pour qui ce stage est néanmoins l’occasion d’acquérir des notions indispensables pour gérer son activité et utile à la pérennité de l’entreprise, suggéraient à l’intention des artisans créateurs d’entreprises des sessions de formation à distance.

Dernière mesure envisagée accompagnant la suppression du stage obligatoire, la suppression de l’encadrement du prix du stage par une loi de finances, puisque c’est en effet une loi de finances qui organise à l’heure actuelle le coût du stage. L’article 118 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 le fixe à 1,5 fois le montant du droit fixe pour frais de chambres de métiers prévu à l’article 1601 du code général des impôts.

L’article 4 du projet PACTE propose ainsi de modifier l’article 59 de la loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat en ajoutant l’alinéa suivant : " A défaut d'être déjà financé par un organisme de financement de la formation professionnelle continue des professions salariées ou des demandeurs d'emploi, le stage de préparation à l'installation mentionné au troisième alinéa du présent article peut être financé par la contribution prévue au a du 2° de l’article L. 6331-48 du code du travail et par la partie de la contribution prévue à l’avant-dernier alinéa de cet article qui est versée dans les conditions fixées par le a du 2° de ce même article".

L’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative au stage préalable obligatoire du futur chef d’entreprise serait supprimé en conséquence.

 

Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, art. 4


Cécile Thiercelin, Dictionnaire permanent Droit des affaires

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