Un avant-projet de loi qui va bien au-delà de la formation et de l'assurance-chômage

Un avant-projet de loi qui va bien au-delà de la formation et de l'assurance-chômage

30.03.2018

Gestion du personnel

Le ministère du travail a transmis au Conseil d'Etat l'avant-projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel". Le texte aborde un grand nombre de sujets parmi lesquels la formation professionnelle, l'apprentissage, l'assurance chômage, le travail détaché, l'égalité femmes-hommes, l'emploi de travailleurs handicapés. Il devrait être présenté en Conseil des ministres le 18 ou le 25 avril.

96 pages, 65 articles. Dense et technique, l’avant-projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel", qu'actuEL-RH s’est procuré, vient d’être transmis au Conseil d'Etat. Il devrait être présenté en Conseil des ministres le 18 ou le 25 avril, puis soumis aux députés le mois suivant pour une adoption en juillet voire en septembre, après la trêve estivale, pour une application progressive en 2019 et 2020. Pour l'heure, le texte n'est donc pas figé. Il peut y avoir des ajustements du Conseil d'Etat. L'ambition de départ ne devrait pas changer : sécuriser les parcours de tous les actifs, après la refonte par ordonnances d’une partie du code du travail visant à apporter plus de flexibilité aux entreprises.

Outre les dispositions sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage, le projet de loi intègre des mesures relatives à l’emploi des travailleurs handicapés, à l'égalité salariale, au détachement des travailleurs et à lutte contre le travail illégal. Voici les principales dispositions.

Formation professionnelle

Un CPF en euros

Sur la formation, les dispositions confirment les annonces de Muriel Pénicaud du 5 mars dernier. Le texte acte la monétisation du compte personnel de formation (CPF) et la fin des listes éligibles, d’ici deux ans maximum. A cette échéance, le CPF pourrait être utilisé pour les diplômes et certifications inscrits au RNCP, à l’inventaire, visant l’acquisition d’un bloc de compétences, les certificats de qualification professionnelle de branche (CQP) ou interbranches (CQPI). Seraient également incluses les actions telles que la VAE, la préparation au permis de conduire, le conseil ou la formation à la reprise et à la création d’entreprise et le bilan de compétences. Les salariés à temps partiel auront, eux, les mêmes droits que les salariés à temps plein, à partir d’un mi-temps.

Par ailleurs, une application mobile gratuite sera créée. Avec cette application, chaque salarié pourra connaître:

  • le montant des droits acquis sur son compte ;
  • les informations sur les formations éligibles.

Ce service dématérialisé, géré par la Caisse des dépôts et consignations, permettra également d’assurer la prise en charge de l’action de formation comprenant les abondements, de l’inscription jusqu’au paiement des prestataires mentionnées. Sans intermédiation. En revanche, le texte fait l'impasse sur le montant de la dotation en euros, cette disposition devant être prise par décret. Muriel Pénicaud avait fait savoir que chaque salarié à temps plein verrait son CPF crédité de 500 euros par an (plafonné à 5 000 euros au bout de 10 ans). Les abondements seront encouragés, ceux du titulaire du compte, de l’Etat, des régions, d’un opérateur de compétences (ex Opca) et de l’entreprise via des accords collectifs, dans le cadre d’un co-investissement.

CPF de transition professionnelle

Autre confirmation : la mise en place d’une nouvelle modalité d’utilisation du CPF en vue d’un projet professionnel en remplacement du CIF. Le CPF de transition professionnelle est ouvert aux salariés qui souhaitent "changer de métier ou de profession". Le projet doit faire l’objet d’un accompagnement par l’organisme désigné au titre du conseil en évolution professionnelle (CEP). Il sera ensuite validé par une commission paritaire régionale. Un décret précisera l’ancienneté minimale requise pour en bénéficier. Cette condition n’est toutefois pas exigée pour le salarié "qui a changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour motif économique et qui n’a pas suivi une action de formation entre le moment de son licenciement et celui de son réemploi". Ce projet est assimilé à une période de travail que ce soit pour la détermination des droits en matière de congé payé annuel ou à l’égard des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise. Il touchera également une rémunération minimum, fixée par décret, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Cette rémunération est versée par l’employeur, ce dernier étant remboursé par son opérateur de compétences.

Schéma de financement de la formation

L'avant-projet de loi passe également sous silence le financement de la formation professionnelle. Le transfert de la collecte des fonds de formation professionnelle aux Urssaf devrait être détaillé par ordonnances dans les 18 mois suivant la promulgation de la loi. Seule précision : la Caisse des dépôts et consignations est habilitée à recevoir les ressources du contrat de sécurisation professionnelle et la part dédié au CPF. Elle peut également recevoir des ressources supplémentaires au titre des abondements. Chaque année, la Caisse des dépôts et consignations sera chargée d’élaborer un rapport annuel sur la gestion du CPF. Ce rapport sera transmis à France compétences, la nouvelle instance de gouvernance qui remplacera le FPSPP, le Cnefop et le Copanef. Cette structure prendra la forme d’un établissement public de l’Etat à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle.

Les opérateurs de compétences remplacent les Opca

Actuellement, cette collecte est réalisée par les Opca. Ces derniers seront transformés en opérateurs de compétences. Leur nombre devrait être progressivement revu à la baisse d’ici à juillet 2019. Leurs nouvelles prérogatives ? "Assurer le financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, apporter l’appui technique nécessaire aux branches adhérentes pour établir la GPEC et déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et de professionnalisation". Ce sont également les opérateurs de compétences qui seront chargés de favoriser la transition professionnelle des salariés, notamment par la mise en œuvre du compte personnel de formation dans le cadre de projets de transition professionnelle, et d’assurer "un service de proximité des très petites, petites et moyennes entreprises". A charge également pour les opérateurs de compétence de prendre en charge les contrats d’apprentissage et de professionnalisation au coût fixé par les branches ou, à défaut, par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salarié signataires d’un accord constitutif d’un opérateur de compétences interprofessionnel gestionnaire des fonds de formation professionnelle continue.

Une définition élargie de l’action de formation

Autre nouveauté : la notion de l’action de formation est élargie. Elle se définit désormais comme "un processus pédagogique permettant l’atteinte d’un objectif professionnel". Elle fait l’objet de modalités d’apprentissage identifiées pouvant comprendre des séquences de positionnement pédagogique, de formation et d’accompagnement de la personne qui suit l’action, dont les acquis sont évalués. Elle peut, en outre, être "réalisée en situation de travail" et être effectuée "en tout ou partie à distance".

Plan de développement des compétences

Le plan de formation est rebaptisé "plan de développement des compétences". Les entreprises ne seront plus contraintes de construire leur plan de formation en faisant la distinction entre les actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi dans l’entreprise, les actions de développement des compétences et les périodes de professionnalisation. Toute action de formation obligatoire suivie par un salarié constitueraient du temps de travail effectif. "Les autres actions de formation peuvent, avec l’accord du salarié se dérouler hors du temps de travail dans une limite fixée par accord collectif d’entreprise ou de branche. A défaut d’accord collectif, cette limite est fixée à 30 heures par an et par salarié".

Entretien professionnel

Côté entretien professionnel, l’avant-projet de loi fait quelques ajouts. L’entretien récapitulatif, qui a lieu tous les six ans, permet de vérifier que le salarié a bénéficié durant ce laps de temps d’au moins une action de formation ; qu'il a acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ou qu'il a bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle. S’y ajoute désormais la possibilité d’un "abondement de son CPF par l’employeur au moins équivalente à la moitié des droits acquis par le salarié".

Qualité de la formation

Les prestataires de formation financés par un opérateur de compétences, l’Etat, les régions, la Caisse des dépôts et consignations, Pôle emploi et l’Agefiph sont certifiés sur la base de critères définis par décret en Conseil d’Etat. Cette certification est délivrée par un organisme dûment accrédité par une instance de labellisation reconnue par France compétences sur la base d’un référentiel fourni par le Cnefop.

Apprentissage

Sur ce sujet, l’avant-projet de loi reprend les annonces de la ministre du travail faites le 9 février dernier. Il confirme le versement d’une aide unique versée par un seul guichet mais sans en donner le montant. Seule certitude : la prime à l’apprentissage est abrogée. Le texte porte par ailleurs les limites d’âge (actuellement fixées à 26 ans) à 29 ans révolus. Côté réglementation, le texte prévoit des dérogations à la durée de travail quotidienne, dans "certaines branches professionnelles, fixées par décret en Conseil d’Etat, lorsque l’organisation collective de travail le justifie". Concrètement, ces dérogations ne pourraient excéder deux heures par jour, "après information à l’inspection du travail et du médecin du travail". Pour les autres branches, des dérogations d'une durée équivalente pourront aussi être accordées, cette fois à titre exceptionnel.

Les modalités de rupture qui interviennent à l’initiative de l’employeur sont désormais calquées sur le droit commun. Lorsque la rupture intervient à l’initiative de l’apprenti dans des conditions définies par décret, ce dernier devra au préalable solliciter un médiateur. La rémunération reste déterminée en pourcentage du salaire minimum de croissance et varie en fonction de l’âge du bénéficiaire et de sa progression dans le ou les cycles de formation. Le rapport de Sylvie Brunet, transmis à la ministre du travail, début février, préconisait l’abandon du critère d’âge pour fixer la rémunération.

Le contrat pourra être effectué en partie à l’étranger pour une durée qui ne peut excéder un an. Par ailleurs, l’ouverture d’un CFA ne dépendra plus d’un conseil régional : il pourra être fondé librement par une entreprise ou une branche professionnelle. Les taux de réussite aux examens, les taux d’insertion professionnelle ou de poursuite d’études seront rendus publics.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés
Assurance chômage

L'avant projet de loi prévoit des dispositions pour lutter contre les contrats courts. Ces dispositions auront vocation à s'appliquer si les branches professionnelles n'arrivent pas à se réguler elles-mêmes, comme l'a annoncé Muriel Pénicaud il y a quelques semaines. Ainsi le taux de la contribution chômage pourra être minoré ou majoré en fonction :

  • du nombre de fins de contrat de travail, à l'exclusion des démissions et sous réserve de l'inscription des personnes concernées par ces fins de contrat sur la liste des demandeurs d'emploi ;
  • de la nature du contrat de travail, de sa durée ou du motif de recours à un contrat d'une telle nature ;
  • de l'âge du salarié ;
  • de la taille de l'entreprise.

Le texte confirme l'extension des cas ouvrant droit à l'assurance chômage aux salariés démissionnaires porteurs d'un projet professionnel nécessitant le suivi d'une formation ou un projet de création ou de reprise d'une entreprise. Ce projet doit présenter un caractère réel et sérieux.

Travail détaché

Les mesures annoncées par le gouvernement s’agissant de l’encadrement du détachement seront intégrées au projet de loi, et non dans une septième ordonnance comme il l’avait d’abord envisagé.

Diffusion de certaines condamnations pour travail illégal

Le texte prévoit notamment que les juges pourront ordonner l'affichage ou la diffusion de la décision condamnant une entreprise pour travail illégal. Cette publication s’effectuera sur un site internet dédié. Toutefois, tout le monde pourra ne pas être logé à la même enseigne : par une décision spécialement motivée, le juge pourra décider de ne pas ordonner l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée  "en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur".

Hausse des amendes administratives

Le plafond des amendes administratives sanctionnant le défaut d’accomplissement des formalités préalables au détachement sera augmenté : il passera de 2 000 à 3 000 euros par travailleur détaché, et de 4 000 à 6 000 euros en cas de réitération. Le plafond de l’amende administrative applicable en cas de méconnaissance des règles liées aux droits et libertés des travailleurs détachés passera de 2 000 à 3 000 euros par travailleur concerné

Prestations de courte durée, zones frontalières

Le projet autorise pour certaines "conditions particulières de détachement" des dérogations aux obligations qui incombent aux employeurs de salariés détachés en France. Les employeurs détachant des salariés dans le cadre de prestations de courte durée ou d’évènements ponctuels seront dispensés de certaines obligations (déclaration des travailleurs détachés, désigner sur le territoire national...). Un accord international pourra prévoir des aménagements à ces règles pour les entreprises situées sur une zone frontalière française et qui détachent des salariés dans cette zone. L’accord pourra prévoir également des aménagements à l’obligation de délivrer une carte BTP aux salariés étrangers venant travailler en France. Il déterminera l’étendue géographique de la zone transfrontalière et pourra prévoir explicitement que certaines activités seront exclues des assouplissements.

Egalité femmes hommes

Comme annoncé par le Premier ministre le 7 mars dernier dernier, le projet de loi contient des mesures visant à renforcer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ainsi, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le respect du principe (fixé à l’article L. 3221-2) devra être garanti notamment sur la base d’un indicateur chiffré mesurant les écarts éventuels de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, entre les femmes et les hommes, établi selon des modalités qui seront définies par décret.

Au niveau des branches professionnelles, le texte complète ce qui existe actuellement. Les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation doivent établir un rapport annuel d'activité qui comprend le bilan des accords collectifs d'entreprise en matière de durée du travail et l'impact de ces accords sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche. Le projet de loi ajoute à cela la nécessité de dresser un bilan de l’action de la branche en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

En revanche, pas de trace des référents sexismes qui faisaient partie des annonces du Premier ministre, pas plus que du "name and shame" annoncé par le Président de la République le 8 mars dernier.

En matière de lutte contre les violences sexistes, le texte ajoute à l'obligation d'afficher dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux où se fait l'embauche les dispositions de l'article du code pénal relatif au harcèlement sexuel, une information sur les voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des services compétents.

Travailleurs handicapés

Comme annoncé lors du lancement de la consultation sur l'emploi des travailleurs handicapés, le texte prévoit de simplifier l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Si le taux de 6 % de personnes handicapées est maintenu pour les entreprises de plus de 20 salariés, l'avant-projet de loi prévoit une possibilité de le réviser tous les cinq ans en référence notamment à la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans la population active.

Le texte prévoit de fixer par décret les règles de transmission de la DOETH, dans l'optique sans doute de les simplifier. La contribution due s'agissant des employeurs qui n'ont pas rempli leur obligation d'emploi sera exclue des charges déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

Ces règles s'appliqueront à compter du 1er janvier 2020.

Prise en compte des contrats aidés dans les effectifs pour la représentation du personnel

Le texte prévoit la prise en compte des bénéficiaires des contrats uniques d'insertion pour le calcul des effectifs pour la représentation du personnel. Il s'agit là d'une question récurrente. Si la Cour de cassation avait en 2014 rejeté l'intégration des contrats aidés dans les effectifs, il n'en restait pas moins que cette exclusion est contraire au droit européen. L'avant-projet de loi régularise la situation au regard du droit européen.

Anne Bariet, Laurie Mahé Desportes et Florence Mehrez
Vous aimerez aussi