Vérification des créances : assignation du débiteur et du liquidateur par le cr��ancier

14.09.2018

Gestion d'entreprise

En matière de vérification des créances, le débiteur est une partie nécessaire à l'instance devant le juge du fond en tant que titulaire d'un droit propre, non atteint par le dessaisissement.

Un créancier déclare une créance au passif de la liquidation judiciaire d’une société. La créance ayant été contestée, le juge-commissaire se déclare incomp��tent pour trancher la contestation et sursoit à statuer après avoir invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai d’un mois à compter de la signification de son ordonnance. Le créancier assigne le liquidateur devant le tribunal de commerce en reconnaissance de sa créance dans le délai imparti.  Sa demande est déclarée irrecevable au motif qu’il a omis d’assigner, également, le débiteur.

Dans son pourvoi, le créancier oppose le dessaisissement du débiteur. Il rappelle que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement de ce dernier. Il en résulterait que le créancier ne devait assigner, dans le délai d’un mois, que le liquidateur et non le débiteur lui-même. A supposer même que le débiteur dispose d’un droit propre à saisir le juge du contrat d’une action au fond consécutive à une décision d’incompétence du juge-commissaire, ce droit propre n’impliquait pas, selon le créancier, l’irrecevabilité de la même action au fond dirigée par le créancier contre le seul liquidateur judiciaire.  Enfin, le créancier soulève l’absence de dispositions légales et jurisprudentielles prévoyant l’obligation pour le créancier d’assigner à la fois le liquidateur et le débiteur à la procédure au fond, consécutive à une décision d’incompétence du juge-commissaire.

La Cour de cassation rejette son argumentation. L’instance introduite devant la juridiction compétente par l’une des parties à la procédure de vérification des créances sur invitation du juge-commissaire s’inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Dès lors, la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties. C’est donc à bon droit que la cour d’appel a déclaré irrecevable la demande du créancier qui n’a cependant pas assigné le débiteur, partie nécessaire à l’instance devant le juge du fond en tant que titulaire d’un droit propre en matière de vérification du passif, non atteint par le dessaisissement.

La jurisprudence la plus récente, dans le domaine de la vérification et de l’admission des créances, sanctionne les recours en appel ou en cassation non formés contre toutes les parties en raison du principe d’indivisibilité (Cass. com., 29 sept. 2015, n°14-13.257, n° 836 P + B ; Cass. com., 2 nov. 2016, n°14-25.536, n° 899 P + B ; Cass. com., 13 déc. 2017, n°16-17.975, n°1464 P + B ; Cass. com., 31 janv. 2018, n°16-20.080, n° 85 P + B, v. Indivisibilité du recours ouvert aux parties contre l'ordonnance du juge-commissaire, 13 févr. 2018 ).  S’agissant du créancier, l’irrecevabilité de son appel a été déjà retenue pour n’avoir intimé que le mandataire judiciaire et non le débiteur (Cass. com., 24 janvier 2018 n°16-21.229).  La décision rendue s’inscrit donc naturellement dans cette tendance et dans cette  même exigence du respect du principe d’indivisibilité.

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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