[Vidéo] Les partenaires sociaux en mal d'autonomie face au gouvernement

[Vidéo] Les partenaires sociaux en mal d'autonomie face au gouvernement

11.07.2018

Représentants du personnel

Les huit principales organisations syndicales et patronales ont décidé hier de se revoir en septembre pour bâtir un programme de travail. Une esquisse d'autonomie face au pouvoir politique qui compte toujours imposer ses réformes et son rythme, à commencer par l'assurance chômage...

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Entre les partenaires sociaux et le gouvernement, l'étrange pas de deux continue. A l'initiative de la CPME, la confédération des petites et moyennes entreprises, les organisations syndicales et patronales avaient convenu de se rencontrer le 11 juillet au conseil économique social et environnemental (CESE) à Paris (*). Une semaine après l'élection à la présidence du Medef de Geoffroy Roux de Bézieux qui succède à un Pierre Gattaz peu porté sur la négociation interprofessionnelle, les partenaires sociaux entendaient visiblement renouer les liens et réaffirmer un principe d'autonomie de la démocratie sociale par rapport au gouvernement.

Mais le Président de la République a court-circuité ce programme en invitant les huit grandes organisations patronales et syndicales le mardi 17 juillet à l'Elysée. Dans son discours, lundi 9 juillet, devant le congrès, Emmanuel Macron a expliqué vouloir "jeter les bases d'un nouveau contrat social dans un esprit constructif". S'il a évoqué le plan pauvreté qui sera présenté à la rentrée, le chef de l'Etat a surtout demandé aux partenaires sociaux de réviser les règles de l'assurance chômage, dont la convention vient à peine d'être renégociée sous la pression de l'Etat. Le Président de la République donne jusqu'à la fin de l'année aux partenaires sociaux pour accoucher de ces nouvelles règles.

 On ne va pas tuer dans l'oeuf un début de retrouvailles entre syndicats et patronat

 

Du coup, on attendait de la réunion des partenaires sociaux hier au CESE une certaine forme de position commune face à l'Exécutif. Peine perdue : les numéros un syndicaux et patronaux ont botté en touche. Syndicats et patronat ont certes discuté de l'assurance chômage, du rôle du paritarisme et du rendez-vous de l'Elysée, comme l'a glissé à la sortie des deux heures de réunion Pascal Pavageau, secrétaire général de FO. Mais rien n'a filtré. Le message que tous ont relayé est que les partenaires sociaux reprendront contact en septembre pour continuer à travailler ensemble "sur les enjeux des grandes transformations sociales et économiques de notre pays",  selon les mots de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, afin d'établir un programme de travail paritaire et thématique. Alors que FO et la CFDT n'ont eu de cesse ces dernières semaines de réclamer au gouvernement un agenda social et d'exhorter les partenaires sociaux à prendre les choses en main, la prudence est donc de mise. "On ne va pas tuer dans l'oeuf le début de retrouvailles entre syndicats et patronat par des déclarations fracassantes", a résumé un participant.

L'assurance chômage à nouveau en chantier

Cette timide réaffirmation d'une autonomie des partenaires sociaux face au pouvoir politique, avec huit organisations dont il faut concilier les emplois du temps et les intérêts parfois divergents, va exiger du temps. Un temps que le Président de la République n'entend guère donner : il veut continuer à imposer ses chantiers à son rythme, comme il l'a fait pour les ordonnances réformant le code du travail. Ses annonces sur l'assurance chômage tendent plutôt à montrer que le gouvernement ne veut rien céder sur le fond.

Les déclarations d'Emmanuel Macron, selon lequel l'assurance chômage "n'étant plus financée par les cotisations des salariés" mais de plus en plus par l'impôt via la CSG, et que cela signifie donc la fin d'une logique assurantielle, mettent donc sur la table l'avenir du paritarisme. L'Exécutif paraît en effet décidé à revoir les règles d'indemnisation du régime. Il s'agirait  "d'inciter les demandeurs d'emploi au retour à l'emploi", selon les termes de l'amendement au projet de loi sur l'Avenir professionnel déposé par le gouvernement,  ce qui pourrait signifier une éventuelle dégressivité des allocations. L'amendement évoque aussi "une allocation chômage de longue durée", alors qu'existe aujourd'hui, pour les demandeurs en fin de droits, l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Enfin, le texte évoque la lutte contre la précarité. C'est là un cheval de bataille syndical, les OS réclamant que les entreprises recourant aux contrats courts soient pénalisées afin de dissuader ces pratiques, ce dont le patronat ne veut pas. Les branches, déjà sommées par le gouvernement de négocier des dispositifs de lutte contre la précarité sous peine de se voir imposer un bonus-malus de leurs cotisations chômage, n'ont guère bougé pour l'instant.

Derrière ces modalités se profile une question plus générale : syndicats et patronat veulent-ils conserver la gestion du régime d'indemnisation chômage quitte à accepter de se couler dans le cadre et les objectifs fixés par l'Exécutif, de façon à garder un pied dans le système, comme semblent le parier l'Elysée et le gouvernement ? Ou bien finiront-ils par renoncer et claquer la porte ? Lors de son discours devant l'assemblée du Medef, le 3 juillet dernier, Geoffroy Roux de Bézieux, très discret hier, a affirmé vouloir "en finir avec les négociations-alibi où l'ombre tutélaire de l'Etat plane sur les partenaires sociaux", après avoir dit lors de sa campagne que son organisation ne resterait dans des organismes paritaires que si l'Etat ne s'immisçait pas dans leur gestion. A suivre...

(*) Côté syndicats : CFDT, CFTC, CFTC, CGT, FO. Côté patronat : CPME, Medef, U2P.

Bernard Domergue (vidéo : Julien François)
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