L'inscription au FPR ne suspend pas l'enregistrement de la demande d'asile

19.11.2018

Droit public

Pour le juge des référés du Conseil d'État, l'inscription d'un étranger au fichier des personnes recherchées ne justifie ni le refus, ni la suspension de l'enregistrement de la demande d'asile.

Dans une ordonnance du 2 novembre 2018, le juge des référés du Conseil d’État fait droit à la demande d’un demandeur d’asile qui s’était vu refuser l’enregistrement d’une demande de réexamen et interpellé par les services de police en raison d’une mention au fichier des personnes recherchées (FPR) pour une condamnation à une peine d’amende « pour voyage habituel dans un moyen de transport public de personnes sans titre de transport ». 
Obligation d’enregistrement de la demande de protection
S’appuyant sur l’article L. 741-1 du Ceseda qui dispose que « tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l’État responsable », le juge des référés du Conseil d’État estime que « la circonstance que des mentions relatives à un étranger demandeur d’asile figurent dans un fichier consulté […] ne saurait, par elle-même, justifier qu’un refus d’enregistrement de sa demande soit opposé ». 
 
Au contraire, il considère que, dans un tel cas, « il appartient, en principe, à l’agent de poursuivre la procédure d’enregistrement de la demande, tout en adoptant la conduite qui lui est prescrite dans le cadre de la consultation du fichier ». 
 
Il ajoute enfin que, « si les circonstances exigent de différer provisoirement la poursuite de la procédure, il incombe à l’administration de prendre toutes mesures utiles pour que l’intéressé soit de nouveau convoqué, dans les plus brefs délais, afin de la mener à son terme ». 
Atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile en cas d’interruption de l’enregistrement 
En l’espèce pourtant, l’agent de la préfecture a non seulement « interrompu la procédure d’enregistrement » de la demande et averti les services de police, mais également invité l’intéressé « à demeurer dans une salle d’attente, jusqu’à l’arrivée de ces services ». Après l’interpellation il a seulement indiqué par téléphone à un représentant de l’association qui acompagnait l’intéressé que ce dernier pourrait « revenir à la préfecture pour faire enregistrer sa demande, à la condition de s’être rendu au préalable à la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile afin d’obtenir une nouvelle convocation ». 
 
Toutefois, pour le juge des référés du Conseil d’État, cette interruption, même provisoire, de l’enregistrement de la demande d’asile, que n’autorisent aucun texte de l’Union ni aucun texte législatif ou réglementaire français, a donc « porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile ». 
Par conséquent, il est enjoint au préfet de prendre (dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l’ordonnance), « toute mesure utile pour que [le requérant] soit convoqué sans délai au guichet unique des demandeurs d’asile de la préfecture ». 
Remarque : une telle solution est dans la logique de la Convention de Genève et de la directive « qualification ». En effet, l’absence d’enregistrement de la demande d’asile ferme l’accès à la procédure d’obtention de la protection internationale, statut de réfugié ou protection subsidiaire. Or l’inscription dans un fichier de personnes recherchées ne figure pas parmi les clauses d’exclusion de l’une ou l’autre de ces protections. En tout état de cause, c’est à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qu’il appartiendrait de décider, le cas échéant, d’une telle exclusion.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
François Julien-Laferrière, Professeur émérite de droit public, Université Paris-Sud
Vous aimerez aussi

Nos engagements